Un nouveau cadre légal contre le harcèlement moral au travail

Ce 9 mars 2023, une nouvelle loi introduisant un dispositif relatif à la protection des salariés contre le harcèlement moral dans le cadre des relations de travail a bel et bien été votée à la Chambre des Députés.

L’introduction d’un cadre légal répond à une revendication de longue date de l’OGBL qui, afin de combler un certain vide juridique, avait déjà signé en 2009 un accord interprofessionnel portant sur le harcèlement et la violence au travail avec le LCGB et l’UEL. L’OGBL salue l’initiative du gouvernement d’introduire, au-delà de cet accord interprofessionnel, un cadre légal pour lutter contre le harcèlement moral au travail. Même si des lacunes évidentes subsistent dans le texte, un certain nombre de nouveautés viennent toutefois renforcer la protection des victimes et placer l’employeur au cœur du dispositif.

Un texte qui prévoit une implication de l’ITM

Outre les éléments inspirés par l’accord interprofessionnel conclu entre syndicats et patronat concernant les mesures à prendre par l’employeur, si ce dernier a été informé d’un cas de harcèlement moral au sein de son entreprise, la nouvelle loi prévoit à présent une implication de l’Inspection du Travail et des Mines dans le processus. En effet, si le salarié estime que la harcèlement moral subsiste après la mise en œuvre des mesures ou si l’employeur s’abstient de prendre des mesures adéquates, le salarié (ou la délégation du personnel avec l’accord du salarié) peut alors saisir l’ITM.

Le texte prévoit notamment que la présumée victime et le présumé auteur des faits (ou le cas échéant d’autres salariés et l’employeur ou son représentant) soient entendus par l’ITM, qui doit alors transmettre dans les 45 jours après réception du dossier un rapport complet à l’employeur. Si l’ITM statue sur l’existence d’actes de harcèlement moral, l’employeur reçoit l’injonction de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces actes; faute de quoi l’ITM sera alors en droit d’infliger une amende administrative à l’employeur.

Une définition large du cadre temporel et spatial

La nouvelle loi prévoit également une définition assez large du harcèlement moral à l’occasion des relations de travail. La dimension temporelle implique une répétition ou une systématisation des actes sans pour autant définir un laps de temps précis. Alors que la dimension spatiale s’étend au-delà du lieu physique du travail. Ainsi, un voyage ou un déplacement professionnel, une formation externe, ou encore des communications pendant ou en dehors du temps de travail font partie intégrante de la relation de travail. La courte définition du harcèlement moral mérite de s’appliquer à présent à une multitude de situations sans en exclure.

Une protection aux victimes et un rôle de soutien de la délégation du personnel

La loi prévoit par ailleurs que la délégation du personnel joue un rôle d’accompagnement et de conseil auprès de la victime. De son côté, le salarié qui s’estime victime peut désormais demander à résilier son contrat de travail sans préavis et sans conséquences pour motif grave, des dommages et intérêts pouvant même lui être accordés dans certains cas.

Des lacunes dans la loi qui auraient pu être évitées en consultant l’OGBL au préalable

A l’époque du dépôt du projet de loi en juillet 2021, l’OGBL avait exprimé son regret de ne pas avoir été consulté au préalable en tant que 1er syndicat du pays et notamment signataire de l’accord interprofessionnel existant relatif au harcèlement et à la violence au travail.

En effet, même si l’OGBL salue l’initiative du gouvernement d’introduire un vrai cadre légal visant à protéger les victimes de harcèlement moral au travail, il estime toutefois que la loi ne va pas assez loin sur bien des points. Ainsi, pour mener à bien ses missions, l’ITM devrait disposer de davantage de moyens et de compétences appropriées, ce que ne prévoit pas explicitement la loi. D’autres organismes, tels que la médecine du travail par exemple, devraient pouvoir être mobilisés sur cette problématique.

Ensuite, la loi ne touche pas au point fondamental que constitue la charge de la preuve qui continue de reposer sur la victime. Or, comme chacun le sait, il demeure très difficile à une victime de harcèlement moral de le prouver dans la pratique. L’aspect de la protection contre le licenciement devrait également s’étendre aux témoins, car ils sont d’une importance capitale dans les dossiers de harcèlement moral et se doivent d’être autant protégés que les victimes. De plus, les amendes pour l’employeur qui ne remplirait pas ses obligations en matière de mesures nécessaires pour faire cesser les actes, restent très peu dissuasives. Le rôle de la délégation du personnel n’est ensuite pas assez mis en avant. Et le soutien et l’accompagnement des syndicats représentatifs aux victimes présumées sont même totalement inexistants dans le texte. Le principe de discrétion nécessaire pour protéger la dignité et la vie privée des personnes impliquées n’est, quant à lui, pas assez pris en compte.

Enfin, qu’en est-il de l’accord interprofessionnel conclu entre partenaires sociaux en 2009 et couvrant également la problématique de la violence au travail, sujet complètement oublié dans la loi votée? A priori, cet accord reste en vigueur, au moins pour les aspects non couverts par la nouvelle loi. Or, cela risque de mener en pratique à des insécurités juridiques.

Pour conclure, et pour répondre à ces différentes problématiques, l’OGBL insiste et réclame sa consultation préalable lors d’une prochaine révision de la loi, qui constitue certes un pas en avant, mais reste lacunaire.

Manon Meiresonne secrétaire centrale adjointe