L’OGBL et le LCGB saluent l’annonce faite lors de la séance publique de la Chambre des Députés du 18 novembre, de mettre l’Accord sur le commerce des services (ACS ou TISA en anglais) à l’ordre du jour de la commission parlementaire en charge des affaires européennes et étrangères, début décembre.
Parallèlement aux accords de libre-échange avec les Etats-Unis (PTCI/TTIP) et le Canada (AECG/CETA), l’Union-européenne est engagée depuis 2013 avec 23 autres états-membres de l’OMC, dans des négociations concernant l’ACS. Largement moins connu que le TTIP ou le CETA, l’ACS a pour objectif de poursuivre la libéralisation des services engagée par l’Accord général sur le commerce des services (AGCS, ou GATS en anglais) de 1994.
L’ACS se concentre ainsi exclusivement sur les échanges de services : d’après les objectifs énoncés dans le mandat de négociation de l’UE, cet accord doit s’appliquer en principe « à tous les secteurs et modes de fourniture». Pourtant, malgré la portée très vaste de l’accord, les négociations sont menées à huis clos et dans le plus grand secret. Son contenu a néanmoins été partiellement divulgué par WikiLeaks en juin-juillet 2015. Au total, dix-sept documents confidentiels ont été divulgués, dont des documents de travail et neuf annexes sur des secteurs sensibles tels que les services financiers, postaux et maritimes, la réglementation intérieure, les télécommunications, les services professionnels et les migrations de main-d’œuvre.
Il apparaît des documents fuités que l’ACS contiendra des dispositions sur le « Mode 4 » relatif au mouvement de personnes physiques en vue d’y fournir un service. Les engagements pris sous le Mode 4 permettent aux sociétés d’envoyer temporairement leurs employés à l’étranger pour fournir un service, et à l’inverse, toute entreprise pourrait engager des travailleurs étrangers provisoires. Cela sans obligation de procéder à une analyse préliminaire du marché du travail, car en vertu du Mode 4, ce type d’examen des besoins économiques est proscrit. Ainsi, l’ACS considère le déplacement des travailleurs comme un service que l’on peut marchander, faisant des travailleurs migrants un produit « jetable » et ouvre la voie au dumping social. Particulièrement préoccupant, le mandat de négociations de l’UE sur l’ACS ne contient aucun engagement à respecter les normes fondamentales du travail, comme celles contenues généralement dans les chapitres sur le développement durable des accords de commerce et d’investissement.
Il ressort également des documents fuités que l’ACS prévoit d’inclure des clauses d’ajustement et de suspension : ces fameuses clauses de « statut quo » et « à effet de cliquet » ont pour effet de verrouiller un plancher de libéralisation irréversible dans l’accord et de limiter l’action réglementaire des gouvernements. Il ressort clairement que l’objectif de l’ACS est de pérenniser la libéralisation et rendre la privatisation irrémédiable, empêchant le rétablissement ou le développement des services publics tel que les soins de santé, les services sociaux, l’éducation ou encore la distribution d’eau.
Un autre point clé des négociations concerne la restriction de la réglementation intérieure par l’ACS : Les normes en matière de sécurité de travailleurs, les règlementations environnementales, les règles concernant la protection des consommateurs et les obligations de service universel, devront ainsi être conformes aux dispositions de l’ACS, et passer des « tests de nécessité », afin de garantir qu’elles ne constituent pas des obstacles réglementaires. Et ce même lorsqu’aucune différence de traitement n’existe entre les services et prestataires de services étrangers et leurs équivalents nationaux. L’ACS tente ainsi de limiter la marge de manœuvre des gouvernements, et de faire pression à la baisse sur les normes de travail, les normes sociales environnementales et de protection des consommateurs.
Au vu de ces considérations, l’OGBL et LCGB appellent à la suspension des négociations et demandent la redéfinition du mandat de négociation sur une base nouvelle, avec le plus haut niveau de transparence et en collaboration avec les partenaires sociaux et la société civile. Ils enjoignent le Parlement européen à adopter des recommandations fortes sur l’ACS qui empêchent ces mesures de libéralisation à outrance et permettent de protéger les services publics, les normes du travail et les conventions collectives, les normes réglementaires de l’UE, et de garantir la liberté de gouvernements à légiférer et réglementer dans l’intérêt public.
Communiqué par le secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB le 20 novembre 2015
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