Le Comité national de l’OGBL était réuni le 29 septembre dernier à Walferdange. Il s’agissait de la première réunion du Comité national de l’OGBL après la trêve estivale. Si ce rendez-vous revêt déjà d’ordinaire un caractère particulier — il vient sonner tous les ans la rentrée syndicale — il avait cette année toutefois un enjeu d’une toute autre qualité en raison évidemment de la crise liée au Covid-19 et de ses répercussions aussi bien économique que sociale.
Le Comité national de l’OGBL y a tout d’abord fait le point sur la situation — une situation qualifiée de «très grave» par Nora Back, la présidente de l’OGBL. Les effets de la crise économique commencent en effet à se faire ressentir dans les différents secteurs. Il s’agit désormais d’empêcher qu’une grave crise sociale n’éclate avec toutes les conséquences que cela aurait pour l’existence des salariés et de leurs familles.
Avant l’été, l’OGBL avait déjà présenté une série de pistes en vue de sortir par le haut de cette crise. Lors de sa réunion du 29 septembre, le Comité national est venu préciser les priorités que se donne l’OGBL dans les prochains mois et il a notamment décidé de lancer une campagne dans ce contexte, intitulée: «Notre sortie de crise – Travail, pouvoir d’achat, logement, justice fiscale et sécurité sociale pour tout le monde!».
L’une des priorités absolues de l’OGBL réside évidemment dans la sauvegarde des emplois. L’OGBL revendique dans ce contexte toute une série de réformes touchant au droit du travail, qui visent à mettre en place un dispositif que l’OGBL appelle une «sécurisation des parcours professionnels». Si la plupart des revendications de l’OGBL en la matière ne datent certes pas d’hier, leur urgence se fait aujourd’hui plus que jamais ressentir. Comme on le constate dans de nombreux secteurs, il y a actuellement une tendance lourde, côté patronal, à vouloir réduire massivement les effectifs. Les annonces de plans sociaux se multiplient.
L’OGBL tente, partout où il y est confronté, d’imposer aux directions des plans de maintien dans l’emploi (PME) en lieu et place des plans sociaux destructeurs qu’elles annoncent. Contrairement aux plans sociaux, les PME permettent souvent d’éviter qu’il n’y ait des licenciements (par le biais de mesures de reconversion professionnelle, de préretraite, de chômage partiel, etc.). Or, la loi relative aux PME s’avère aujourd’hui encore trop lacunaire. Pour l’OGBL, celle-ci doit être absolument renforcée et devenir notamment plus contraignante envers les entreprises.
L’OGBL revendique également l’introduction d’un dispositif préventif, à savoir l’introduction de bilans sociaux d’entreprises, qui permettraient d’analyser régulièrement la situation de chaque entreprise, son évolution, le marché dans lequel elle évolue, les salariés qu’elle emploie, etc., et ainsi de pouvoir réagir à temps avant qu’une entreprise ne se retrouve face à des difficultés insurmontables l’obligeant à licencier des salariés.
La loi relative aux plans sociaux doit évidemment aussi être réformée d’urgence. Il est aujourd’hui encore trop facile pour une entreprise de faire un plan social et ainsi de licencier massivement des salariés, sans que ces derniers ne soient pour autant réellement justifiés. La loi peut actuellement aussi encore être trop facilement contournée par les entreprises. Il leur suffit pour cela de «saucissonner» les licenciements de masse qu’elles envisagent de réaliser pour échapper à l’obligation de négocier un tel plan social. Dans certains secteurs, cette pratique patronale est même devenue une véritable stratégie.
La loi sur les faillites et le dispositif de formation professionnelle continue font également partie des réformes que l’OGBL revendiquent d’urgence. Ces derniers doivent également être révisés et renforcés.
Comme annoncé, toutes ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’une vision globale que défend l’OGBL, visant à maintenir les emplois… à sécuriser chaque parcours professionnel.
Une autre grande priorité de l’OGBL en cette rentrée mouvementée vise à maintenir et renforcer le pouvoir d’achat des ménages, qui a déjà beaucoup souffert au cours des derniers mois. Il suffit ici de songer par exemple aux pertes engendrées par le chômage partiel auquel ont été contraints, ou le sont toujours, de nombreux salariés. Et le pouvoir d’achat des ménages risque encore de continuer à souffrir dans les prochains mois, si rien n’est entrepris rapidement. Par ailleurs, lors de la dernière réunion tripartite, en juillet, aussi bien les syndicats que le gouvernement et l’UEL se sont entendus sur la nécessité de relancer rapidement l’économie luxembourgeoise. Or, pour l’OGBL, il est évident que si l’on souhaite relancer l’économie et plus encore l’économie locale — donc le marché intérieur — soutenir le pouvoir d’achat des ménages devient un impératif.
Dans ce contexte, l’OGBL continue de revendiquer une augmentation structurelle du salaire social minimum (SSM). La revendication est loin d’être oubliée. Bien au contraire! Le niveau du SSM demeure bien trop bas au regard du coût de la vie au Luxembourg. Et il n’y a aujourd’hui plus de controverse en la matière: tout le monde reconnaît que le niveau actuel du SSM ne permet pas de vivre décemment au Luxembourg. Celui-ci doit être renforcé d’urgence. L’OGBL revendique également toujours une revalorisation des prestations familiales. Pour rappel, le gouvernement s’était engagé en 2014 (!) envers les syndicats à les réindexer à l’augmentation du coût de la vie, alors que celles-ci n’ont cessé de perdre de la valeur depuis 2006, date de leur désindexation par le gouvernement de l’époque. L’exécutif n’a jusqu’à présent pas tenu sa parole envers les syndicats.
Certes, le programme de coalition acté en 2018 prévoit désormais une telle réindexation, mais seulement à la fin de la législature. Pour l’OGBL, ceci demeure largement insuffisant.
Les prestations familiales doivent non seulement être réindexées dès maintenant, mais cette mesure doit également être accompagnée d’une compensation rétroactive pour les pertes subies par les ménages pendant presque 15 ans.
Parmi les principaux facteurs qui pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages au Luxembourg figure aussi incontestablement le logement, dont les prix explosent depuis des années, ne permettant presque plus à un simple mortel de pouvoir se loger sur le territoire. L’évolution des prix immobiliers est en effet totalement disproportionnée par rapport à l’évolution des revenus. Et même la crise actuelle ne semble pas impacter cette spirale infernale.
La lutte contre la crise du logement au Luxembourg demeure pour l’OGBL ainsi une autre priorité dans les mois à venir. Il en avait déjà fait l’une de ses priorités dès 2019 en décrétant l’état d’urgence en la matière et en faisant toute une série de propositions pour enrayer le phénomène (introduction d’un impôt foncier progressif, interdiction du recours aux Fonds d’investissement spécialisés (FIS) dans le secteur immobilier, introduction d’une taxe nationale sur la rétention de terrains, plafonnement des prix des terrains, plafonnement effectif des loyers, réforme de la subvention au loyer, renforcement des aides en faveur de l’efficacité énergétique, augmentation substantielle de l’offre en logements sociaux, investissements renforcés de la part du Fonds de compensation dans le logement locatif à prix modéré).
L’OGBL commence aussi, doucement mais sûrement, à s’agacer du manque de volonté politique affichée par le gouvernement, comme en témoignent les deux propositions de loi déposées au cours de l’été. Le premier, visant une réforme du pacte logement, ne résoudra ainsi en rien la situation (la part de terrains dédiée aux logements à prix abordables demeure ainsi bien trop modeste) et risque même de l’aggraver (les communes et l’Etat ne seront pas contraints de construire eux-mêmes mais pourront confier cette mission à des promoteurs privés).
La deuxième proposition de loi porte quant à elle sur le bail à loyer. Le gouvernement vient ici de louper une occasion en or pour réformer enfin le critère qui fixe, depuis 65 ans désormais, les plafonds en matière de loyer.
Un autre grand dossier, sur lequel l’OGBL compte mettre encore davantage l’accent dans les mois à venir et qui jouera un rôle décisif en vue d’une sortie sociale de la crise, réside dans la fiscalité.
Alors que la grande réforme fiscale annoncée par le gouvernement est actuellement en préparation, l’OGBL a en cette matière tout un catalogue de revendications visant d’une part à alléger la charge fiscale qui pèse sur les petits et moyens revenus (révision du barème fiscal visant à le rendre plus progressif et introduction d’un mécanisme d’adaptation régulière à l’inflation) et d’autre part à rétablir davantage de justice entre l’imposition des revenus provenant du travail et ceux du capital (stock-options, dividendes, etc.).
L’OGBL se prononce en outre pour l’introduction d’un impôt sur la fortune des personnes physiques comme il est actuellement discuté publiquement. Et afin de dissiper tout malentendu, l’OGBL propose de le qualifier d’impôt sur la richesse, pour préciser qu’il s’agit ici exclusivement de viser les grandes fortunes dans le pays.
L’OGBL s’oppose par ailleurs à toute augmentation ou introduction de nouveaux impôts à la consommation. La taxe carbone, déjà annoncé par le gouvernement devra quant à elle, pour être acceptée par l’OGBL, être obligatoirement accompagnée de compensations sociales pour les revenus moyens et inférieurs.
Enfin, cette crise a plus que jamais démontré l’importance de disposer d’un système de sécurité sociale public et solidaire tel que nous le connaissons aujourd’hui. Celui-ci a en effet permis au Luxembourg de mieux traverser la crise que la plupart des autres pays. Et l’OGBL pèsera de tout son poids pour que cette leçon ne soit pas oubliée lorsqu’il sera l’heure de faire les comptes de la crise et que le modèle ne manquera pas de faire l’objet de nouvelles attaques provenant du camp néolibéral.
L’OGBL revendique également déjà à ce que les dépenses engendrées par le congé pour raisons familiales extraordinaire soient intégralement remboursées à la CNS par l’Etat. En effet, si l’OGBL a évidemment soutenu cette mesure importante au cours de l’état de crise, il conteste toutefois que la charge financière qu’elle représente soit portée par la Caisse nationale de santé, alors que de toute évidence, la nécessité de cette mesure n’entretenait aucune relation avec des cas de maladie. Ni les enfants, ni les parents qui en ont bénéficié, n’étaient malades en effet.
Pour l’OGBL, qui en fait une autre priorité en cette rentrée, le modèle sur lequel repose la Sécurité sociale au Luxembourg devra être stabilisé et renforcé dans les prochains mois. L’OGBL s’opposera à toute velléité visant à le privatiser ou à y introduire des logiques marchandes ou bien encore à introduire un système de médecine à deux vitesses.
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