Accord de libre échange CETA entre l’UE et le Canada – Pas sans l’implication des parlements nationaux!

stop_ttipLe voile est enfin levé: selon la Commission européenne, et selon les dires de son président Jean-Claude Juncker, les parlements nationaux ne seront pas associés au processus de décision en matière d’accord de libre échange CETA entre l’UE et le Canada. Voilà ce que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a déclaré dans le cadre du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui a eu le 29 juin 2016 à Bruxelles.

Il faut enfin mettre un terme à cette attitude méprisante de la Commission européenne envers les règles de la démocratie! Plusieurs parlements nationaux – dont le parlement luxembourgeois – l’ont déjà revendiqué à bon escient: CETA doit être traité comme « accord mixte » et les parlements nationaux doivent être associés aux décisions! La plateforme luxembourgeoise Stop-TTIP demande instamment que la Commission respecte les dispositions des parlements nationaux et elle salue expressément que le Premier ministre et ministre d’Etat Xavier Bettel ait dit clairement que le Luxembourg insiste sur le droit des parlements de participer aux décisions. Cette déclaration se veut claire et non équivoque: NON à CETA s’il n’y a pas de voix au chapitre pour les parlements nationaux!

(Extrait de la motion de la Chambre des Députés du Grand-Duché de Luxembourg:

« La Chambre des Députés invite le Gouvernement (…)
à voter contre toute proposition de décision de la Commission européenne au cas où celle-ci insisterait sur un accord relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne ;

– à persister au sein du Conseil sur le caractère mixte de l’accord AECG/CETA afin de garantir aux parlements nationaux leur mot à dire en ce qui concerne la ratification»).

Il faut vraiment se demander si le texte de l’accord CETA est problématique à tel point que ses défenseurs doivent « avoir peur » de voir les parlements nationaux exercer leur contrôle démocratique!?

La Commission serait bien avisée de tirer sa leçon du désastre nommé Brexit et elle devrait enfin se rendre à l’évidence qu’une large partie des citoyen(ne)s européens réclament une Europe plus démocratique, plus sociale et plus écologique!

Les débats qui sont actuellement menés mettent également en vigueur le degré d’importance – à côté des gouvernements et des parlements nationaux – du Parlement européen, qui lui, sera appelé à trancher sur CETA, un fait que même la Commission ne saura empêcher.

Tout cela a donné naissance ces jours-ci au lancement de la campagne européenne dénommée « Do the CETA Check! » (« Invitation au CETA-Check »), qui est soutenue par la plateforme luxembourgeoise Stop-TTIP. Elle permet aux citoyen(ne)s de l’Europe entière de poser des questions sur l’accord de libre échange CETA prévu entre l’UE et le Canada à « leurs » députés européens. La coordination de la campagne est assurée par l’Alliance européenne Stop TTIP, qui a collecté plus de trois millions de signatures contre TTIP & CETA au cours de l’année dernière. L’objectif déclaré de la campagne « Do the CETA Check! » est de souligner l’urgence du dossier et d’augmenter la pression sur les eurodéputés afin qu’ils adoptent une position claire face aux thèmes-clés que sont surtout la démocratie, la protection des investisseurs, les normes sociales et écologiques ainsi que les services publics!

Explorez le CETA-Check : https://stop-ttip.org/fr/cetacheck/

Bande-annonce du « CETA-Check »

Communiqué par la plateforme luxembourgeoise Stop-TTIP
le 30 juin 2016

CETA : malgré ses faiblesses, la résolution prise par le Parlement luxembourgeois confère une mission très claire au Gouvernement!

stop_ttipCe mardi, le Parlement luxembourgeois a largement satisfait à son rôle joué dans le dossier CETA, l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada. Même si les interventions des différents orateurs peuvent faire l’objet de plus d’une critique, la motion retenue presque à l’unanimité (58 votes en faveur contre 2 votes en défaveur) doit toutefois être essentiellement saluée dans une série d’aspects.  Cela e.a. pour les raisons suivantes:

L’une des directives de la résolution, qui veut que les questions juridiques controversées soient analysées au sein du Conseil européen, va certainement faire des vagues en Europe. Nombreux sont les juristes qui sont convaincus que CETA n’est pas conforme au droit européen. Or, la Commission européenne, aveuglement pro-CETA, n’a jusqu’ici point satisfait à la mission qui lui est dévolue dans ce cadre et a omis d’engager un tel réexamen. Probablement non sans raison … Il est tout à fait remarquable que ce soit la Chambre des Députés luxembourgeoise qui essaie dorénavant de contrecarrer cette façon d’agir; en même temps, c’est un signal, un mandat d’action sans équivoque à l’adresse du ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn et du ministre d’Etat Xavier Bettel. C’est à eux qu’incombe maintenant le rôle de revendiquer – avec toute la détermination qui s’impose – l’application, au niveau européen, de cette directive de notre Parlement et de trouver des alliés européens afin de défendre cette approche!

L’intelligibilité avec laquelle le Parlement revendique un « accord mixte », c’est-à-dire un accord qui doit être porté par les votes des parlements nationaux, est aussi pour le moins importante. En effet, la résolution établit très clairement que si l’accord CETA ne répondait pas aux exigences d’un « accord mixte », le Luxembourg serait amené à s’y opposer. S’il est vrai que le Luxembourg a toujours revendiqué un « accord mixte » dans le passé, le ton pour ce faire était beaucoup moins déterminé ! Le « voeux pieux » s’est finalement mué en condition de base claire et non équivoque !

Par contre, un refus bien plus évident du Parlement à l’égard de la possibilité pour les multinationales d’aller en justice contre les états pour « perte de gains potentiels » aurait absolument été de mise. Sur ce point, la résolution s’avère décevante. Néanmoins, il faut saluer le fait que la nomination des juges actuellement prévue pour les tribunaux d’arbitrage est remise en question et qu’il est renvoyé dans ce contexte aux prises de position critiques émanant des associations des magistrats allemande et européenne et qu’une impartialité absolue des juges est exigée.

Aussi, l’approche affichée par le Parlement face à la dite « ratification provisoire/application provisoire » constitue un énorme déficit. Il s’agit ici de définir à partir de quand l’accord pourra entrer en vigueur. Selon nos attentes et selon la logique des autres directives, le Parlement luxembourgeois aurait pu clairement retenir que l’entrée en vigueur de CETA n’ait lieu qu’après l’aval de l’ensemble des parlements nationaux. Or, le Parlement n’a pas été aussi loin: le seul vote du Parlement européen devrait être attendu. Le Parlement luxembourgeois se montre ainsi plus hésitant que le Parlement néerlandais qui lui exige la ratification des parlements nationaux préalablement à l’entrée en vigueur de CETA. A cet égard, nous nous attendons à ce qu’au cours du processus, le Gouvernement et le Parlement luxembourgeois adhèrent à cette revendication incontournable du point de vue démocratique.

En guise de conclusion, il faut retenir qu’une position fondamentale du Parlement en défaveur de CETA aurait été de mise! Le Parlement a néanmoins voté une résolution qui – sur les points cruciaux – confère un mandat d’action clair au gouvernement.  Au niveau européen, le gouvernement et surtout le ministre Jean Asselborn devront désormais afficher une position bien plus revendicative pour ce qui est des points essentiels! La demande du Parlement d’être continuellement intégré dans le processus ainsi que sa retenue formelle d’une consultation de la « Commission des Affaires Etrangères » préalablement à chaque vote, témoignent également d’une certaine émancipation de cette institution.

L’engagement de la société civile et le large soutien d’une grande partie de la population portent leurs premiers fruits. Ces efforts ont été payants jusqu’ici et il va sans dire qu’ils seront poursuivis à l’avenir!


La plateforme Stop-TTIP

Action Solidarité Tiers Monde
Akut
Aleba
Bio-Lëtzebuerg – Vereenegung fir Bio-Landwirtschaft Lëtzebuerg Asbl
Caritas Luxembourg
Cercle de coopération des ONG de développement
CGFP
Fairtrade Luxembourg
FGFC
FNCTTFEL
Greenpeace Luxembourg
Initiativ Liewensufank
LCGB, Lëtzebuerger
Jongbaueren a Jongwënzer Asbl
Mouvement Ecologique a.s.bl.
natur&ëmwelt a.s.b.l.
OGBL
Syprolux
Stop TAFTA Luxembourg
Union luxembourgeoise des consommateurs
Union Syndicale Fédérale

105ème Conférence internationale du travail à Genève (OIT)

logo_OIT_vignetteLa 105ème Conférence internationale du travail (CIT) qui a débuté le lundi 30 mai 2016 à Genève se poursuit jusqu’au samedi 11 juin.

La CIT définit la politique générale de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et se réunit une fois par an à Genève. Ce «parlement mondial du travail» rassemble ainsi chaque année plus de 5 000 délégués gouvernementaux, employeurs et travailleurs, en provenance des 187 Etats Membres de l’OIT.

La Conférence sera présidée cette année par Mildred Oliphant, ministre du Travail de la République d’Afrique du Sud depuis novembre 2010.

L’OGBL y est représenté par Véronique Eischen, Armand Drews, Angelo Zanon et Lena Batal. Véronique Eischen y représente l’ensemble de la délégation luxembourgeoise des travailleurs en tant que déléguée effective. Les représentants participent aux travaux des quatre commissions suivantes :

1. Commission des normes
Chaque année une liste de 25 pays est établie, qui feront l’objet d’une discussion au sein de la commission des normes pour non application, non respect ou ratification d’une ou l’autre convention internationale. Figurent entres autres sur la liste des 25 pays cette année le Royaume-Uni et l’Irlande. Le Royaume-Uni concernant la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. L’Irlande concernant la convention n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective.

Il est important de rappeler que ces dernières années, les employeurs ne voulaient plus respecter la convention internationale n° 87 qui assure la liberté syndicale et le droit de grève et avaient de ce fait compromis la survie de la CIT. Ce n’est que grâce à un compromis trouvé entre employeurs et travailleurs en 2015, qu’un échec de la conférence à su être évité, même si le désaccord quant au fond n’est pas réglé et reste un point très sensible.

2. Promouvoir au mieux le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales
Ce sujet permettra aux membres de l’OIT de mieux comprendre comment la participation aux chaînes d’approvisionnement mondiales peut contribuer au développement durable, à une croissance économique inclusive, à l’emploi et au travail décent pour tous. Il est impératif que les droits humains et les normes de l’OIT soient inclus dans les chaînes d’approvisionnement.

3. Le travail décent au service de la paix, de la sécurité et de la résilience aux catastrophes
La nature récurrente et changeante des conflits et des catastrophes et leurs répercussions de grande portée sur le développement et la stabilité ainsi que sur la recherche des objectifs du travail décent dans de nombreuses régions font qu’il est urgent de disposer d’une base normative plus large et actualisée pour répondre aux crises. Le mandat, l’approche et l’expertise de l’OIT en matière de réponse aux crises ont évolué et se sont développés au fil des années pour recouvrir aujourd’hui la promotion de solutions durables pour les communautés et les pays touchés par des conflits armés et/ou des catastrophes. L’OIT peut ainsi être appelée à promouvoir l’emploi, à renforcer les institutions publiques et à encourager la protection sociale, le dialogue social et le respect des droits fondamentaux.

4. Evaluation de l’impact de la déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable
La Conférence devra examiner l’impact de la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, notamment dans quelle mesure elle a contribué à promouvoir, parmi ses membres, les buts et objectifs de l’organisation par la mise en œuvre intégrée des quatre objectifs stratégiques : l’emploi, la protection sociale, le dialogue social et les principes et droits fondamentaux au travail, en mettant l’emploi et le travail décent au cœur de leur politique sociale et économique.

Les représentants de l’OGBL participeront activement aux travaux des commissions sus mentionnées et espèrent que les discussions générales menées lors de cette 105ème Conférence se solderont par un franc succès.

Communiqué par le service des Affaires internationales de l’OGBL
le 3 juin 2016

CETA et TTIP: Un danger pour notre démocratie et notre Etat de droit!

Prise de position de la plateforme luxembourgeoise STOP TTIP sur les sujets du tribunal d’arbitrage et de la protection des investisseurs

Action Solidarité Tiers Monde ; Aleba ; Bio-Lëtzebuerg – Vereenegung fir
Bio-Landwirtschaft Lëtzebuerg Asbl; Caritas Luxembourg ; Cercle de coopération
des ONG de développement ; CGFP ; Fairtrade Luxembourg ; FGFC ; FNCTTFEL ;
Greenpeace Luxembourg ; Initiativ Liewensufank ; LCGB ; Lëtzebuerger Jongbaueren
a Jongwënzer Asbl ; Mouvement écologique ; natur&ëmwelt a.s.b.l ; OGBL ; Syprolux ; Stop TAFTA Luxembourg ; Union luxembourgeoise des consommateurs ;
Union Syndicale Fédérale.

CETA et TTIP: un danger pour notre démocratie et notre Etat de droit!

Actuellement, l’UE négocie deux accords de libre échange qui revêtent une importance particulière: CETA (l’accord entre l’UE et le Canada) et TTIP (l’accord entre l’UE et les Etats-Unis). Alors que tout le monde parle de TTIP, l’accord de libre-échange CETA fait un peu moins l’objet des discussions. A tort, car CETA est le «petit frère» de TTIP!

En outre, les résultats définitifs des négociations en matière de CETA sont déjà connus. Il faut s’attendre à ce que l’accord de libre-échange CETA soit encore soumis au vote du Parlement européen cette année (éventuellement même avant les congés d’été) et qu’il soit également présenté devant les parlements des États membres en vue d’une prise de décision. Selon les défenseurs de TTIP, cet accord, quant à lui, devrait si possible encore être adopté par le gouvernement Obama.

Il est évident que les dispositions de CETA et TTIP ne sont pas identiques dans tous les domaines, puisque les conditions de base diffèrent en partie (canaux de distribution différents, etc.).

Néanmoins: certains aspects capitaux sont identiques!

L’intérêt est doublement parlant pour certains de ces aspects, comme ils confèrent leur orientation globale aux textes:

La forme sous laquelle sont présentés les «tribunaux d’arbitrage» et la protection des investisseurs qui en découle! Ce sont précisément ces dispositions qui risquent d’anéantir notre démocratie et notre Etat de droit d’une manière qui est tout simplement inadmissible! De la façon dont elles sont définies, elles placent les droits des multinationales au-dessus de ceux de la collectivité, elles rétrécissent la marge de manœuvre des parlements et États nationaux de manière intolérable et renversent en partie notre système de droit!

La plateforme luxembourgeoise STOP TTIP est intimement convaincue du fait qu’il faut rejeter CETA et TTIP puisque les accords ne mettent non seulement en question les droits des consommateurs, mais également les acquis sociaux et environnementaux. La prise de position qui suit démontre également que la voie engagée par les dispositions sur les tribunaux d’arbitrage et sur la protection des investisseurs à elles seules sont d’une problématique telle que – rien qu’au motif de ces dispositions citées – il ne faut précisément pas ratifier les accords de libre-échange.

Contexte

Comme les tribunaux d’arbitrage ont depuis longtemps fait l’objet de discussions et de commentaires pour le moins critiques dans le grand public (à l’occasion d’une consultation publique lancée par l’UE, non moins de 97% des participants se sont prononcés contre les tribunaux d’arbitrage) et comme ce sont surtout ces tribunaux d’arbitrage qui sont au centre des controverses, en automne 2015, la Commission européenne a finalement soumis de nouvelles propositions d’orientation dans le cadre de l’accord de libre-échange TTIP.

Vu les changements introduits depuis quelques mois, on ne parle dorénavant donc plus, dans le cadre de TTIP, d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE; en anglais: investor- state – dispute settlement/ISDS), mais bien d’un système juridictionnel des investissements (en anglais: Investment Court System/ICS).

Pendant longtemps, il n’était pas clair si ces changements allaient également s’appliquer à l’accord CETA. Selon les déclarations officielles, le Canada n’était pas disposé à «rouvrir les discussions» sur le texte de l’accord de libre-échange CETA et dans ces circonstances, ledit mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (ISDS) allait rester en place. Or, à la mi-février de cette année, la décision tombait de calquer le modèle du système juridictionnel des investissements (ICS) ancré dans TTIP sur le modèle des «tribunaux d’arbitrage» dans CETA.

De son côté, la Commission vante les modifications comme étant une importante avancée démocratique. S’il est vrai que le modèle réformé est légèrement mieux que le premier, nous ne pouvons sérieusement parler que d’un «nouveau nom» ou de «changements cosmétiques» car: les problèmes de fond restent les mêmes!

Les organisations non gouvernementales engagées au niveau européen ne sont pas dupes de ces manœuvres: «Le nouveau ICS présenté n’est autre qu’un ISDS qu’on croyait mort mais qui est ressuscité et à qui on a donné un autre nom. ICS est le zombie de ISDS».

En effet, le système juridictionnel des investissements ICS (Investment Court System) dans le cadre de TTIP et autres négociations européennes sur les échanges et les investissements remettent nos acquis démocratiques en question, cela de manière fondamentale et dans la même mesure que les textes précédents!

Par ailleurs, la Fédération des juges allemands (Deutscher Richterbund) et la  «European Association of Judges» ont formulé des prises de position très critiques sur le thème, dont nous citerons des passages par la suite.

1. Par rapport aux Etats nationaux, les investisseurs étrangers jouissent de droits et de privilèges inadmissibles – la protection des investisseurs prime sur les droits de la collectivité

Fait

Dans le cadre des investissements réalisés, les multinationales bénéficient d’une protection très vaste par rapport aux Etats nationaux; en effet, leurs droits ont une portée très importante. Parallèlement, ces droits ne sont point assortis d’obligations en contrepartie (p.ex. contraintes écologiques et sociales). Au-delà, la notion d’investissement telle qu’elle est définie dans CETA et TTIP, est une notion très large, qui vise tant les investissements directs classiques (sites de production, acquisitions de terrains, etc.) que les investissements financiers (actions, …).

Les multinationales ont le droit de poursuivre en justice les Etats nationaux sur la base d’une «expropriation indirecte» (c. à d. d’une perte de bénéfices, de manque à gagner). Cela peut être le cas lorsqu’un Etat membre dicte des lois dans l’intérêt de la collectivité (interdiction d’utiliser certaines substances, refus d’autorisation de certains investissements, etc.), qui font que les profits des investisseurs sont anéantis ou amoindris. Rappelons à titre d’exemple le cas Keystone: un géant du gaz a poursuivi en justice le gouvernement américain alors que ce dernier lui refuse la construction d’un pipeline sur la base de critères écologiques et climatiques. Autre exemple non moins pertinent: les avertissements relatifs à la santé sur les paquets de cigarettes qui pourraient réduire les ventes … Il appartient alors aux Etats de prouver que les dispositions prises ne sont pas «exagérées», mais bien au contraire «légitimes» et «nécessaires». Les Etats courent le risque de devoir payer des amendes de l’ordre de plusieurs millions, voire même plusieurs milliards.

Analyse

Alors que dans les Etats nationaux, le seul respect des dispositions du droit national et européen peut être réclamé devant les tribunaux nationaux, les droits des investisseurs vont ici pouvoir dépasser de loin ces dispositions.

Au-delà, les investisseurs bénéficient du droit de déposer plainte afin qu’il soit clarifié dans quelle mesure les dispositions prises par l’Etat étaient légitimes et nécessaires («right to regulate» des Etats). Il est alors de la compétence des tribunaux d’arbitrage de trancher si – oui ou non – les profits des multinationales priment sur l’intérêt collectif.

Le risque de voir primer les droits des investisseurs sur les droits des Etats nationaux est grand. En présence d’une protection des investissements si vaste et importante, la collectivité risque de finir perdante, la politique nationale dans les domaines clés (acquis sociaux, protection des droits en matière de santé et d’environnement) risque d’être remise en question, les droits des multinationales risquent de primer sur la santé et le bien-être collectif.

2. Le danger que des gouvernements renoncent à légiférer par peur de plaintes potentielles, est un danger réel (l’effet du «regulatory chill»)

Fait

Si les Etats nationaux risquent – sur la base de leurs décisions – d’être traînés en justice par les investisseurs et de devoir payer des indemnités de l’ordre de plusieurs millions, voire même milliards, cette situation peut avoir comme effet le dit «regulatory chill». En clair, cela signifie que les Etats nationaux craindront de voter des lois, règlements et initiatives dans le sens de la collectivité, car ils voudront éviter des plaintes et surtout des paiements de dommages et intérêts. Ainsi, des communes auraient déjà renoncé à communaliser à nouveau des services.

Analyse

Il existe un réel danger de voir les gouvernements et parlements – c. à d. les représentants politiques élus par les citoyens – d’emblée éviter, retarder ou traiter sans enthousiasme des décisions et initiatives politiques capitales prises dans le sens de la collectivité, précisément pour éviter de telles plaintes et potentielles indemnisations. La compétence clé et la responsabilité centrale des Etats nationaux est ainsi fondamentalement affaiblie, voire même remise en question! Ce qui est en contradiction avec tout processus de décision démocratique.

3. Une remise en question inacceptable des tribunaux nationaux par des tribunaux spéciaux/d’arbitrage!

Fait

Non seulement que les firmes auront la possibilité de porter plainte et de réclamer des dommages-intérêts à hauteur de plusieurs millions à l’égard des Etats nationaux. Il est prévu en plus de traiter ces plaintes devant des cours non-nationales: le changement d’appellation de «tribunaux d’arbitrage» en «système juridictionnel des investissements» n’est que de la poudre aux yeux et ne change rien au principe de base qui veut que ce ne sont plus les cours nationales mais bien des cours spéciales qui seront appelées à trancher. Les multinationales ne devront pas d’abord épuiser toutes les voies judiciaires offertes par les tribunaux nationaux, au contraire, elles peuvent tout simplement passer outre.

Analyse

La mise en place de ces tribunaux spéciaux signifierait une remise en question fondamentale de notre système de droit! Aussi, la nécessité de créer de telles juridictions spéciales n’est nullement donnée! Cette absence de toute nécessité justifiant la mise en place d’un tribunal spécial est corroborée par la pratique des activités quotidiennes des entreprises. Quelle entreprise américaine ou canadienne a jamais refusé de faire des investissements dans un Etat américain au motif que le système juridique en place de l’Etat donné était trop faible ou insuffisant pour protéger ses intérêts!? Ni les Etats-Unis, ni le Canada n’ont dû attendre la mise en place de TTIP pour faire des investissements de l’ordre de centaines de milliards d’euros en Europe. Les investissements continuent dans le même ordre de grandeur. Et le même constat peut être fait pour ce qui est des investissements de sociétés européennes aux Etats-Unis ou au Canada.

4. Une discrimination inadmissible des investisseurs nationaux au profit des investisseurs étrangers

Fait

A cela s’ajoute: seuls les investisseurs étrangers vont pouvoir bénéficier de ces droits spéciaux, dans le but de pouvoir e. a. réclamer réparation d’un préjudice subi (profits non réalisés) devant la nouvelle juridiction de règlement des différends (ICS). Les entreprises indigènes ne bénéficieront pas de cet avantage: elles seront par conséquent dans l’impossibilité de se retourner contre une décision prise par leur Etat national.

Analyse

L’octroi d’avantages inéquitables aux investisseurs étrangers au détriment des investisseurs nationaux est carrément dépourvu de toute logique compréhensible et justifiée et constitue une distorsion flagrante des droits des différents acteurs. Au-delà se pose la question s’il ne s’agit pas ici d’un acte de concurrence déloyale!

5. Aucun droit n’est accordé à la collectivité, aux concernés et aux Etats

Fait

Les tribunaux spéciaux peuvent à juste titre être qualifiés – comme d’aucuns le font – de «voie à sens unique». Car ce sont uniquement les multinationales qui bénéficieront de la possibilité de faire valoir leurs droits devant un tribunal spécial international. Inversement, les multinationales ne pourront pas être traînées devant la justice par des citoyens dont les droits seront lésés par une multinationale. Les Etats nationaux subissent ce traitement «à sens unique» dans la même mesure. Ils ne bénéficient pas de la possibilité de porter plainte devant un tribunal d’arbitrage contre une multinationale étrangère lorsque celle-ci a dégradé l’environnement, nui à la santé publique, endommagé la propriété publique ou, de manière très générale, ignoré les dispositions d’un contrat. In n’y aura aucun gain pour les Etats: ils seront perdants sur toute la ligne.

Analyse

Une distorsion inadmissible entre les droits des citoyens concernés, les droits des Etats et ceux des multinationales en serait la conséquence: une situation bien indigne de notre Etat de droit!

6. La mise en place de tribunaux spéciaux est en contradiction avec le droit européen!

Fait

L’interprétation du droit européen, respectivement les recours contre les décisions de l’UE, relèvent actuellement de la compétence de la Cour de Justice européenne. TTIP et CETA ouvriraient la possibilité d’introduire un recours contre une décision européenne devant une juridiction autre que la Cour européenne. Selon le droit européen, un transfert de compétences de ce genre n’est admissible qu’en présence de conditions très strictes, qui ne sont toutefois pas données ici.

Analyse

Les Etats nationaux et l’Union européenne transféreraient ainsi des droits et compétences bien implantées au sein de l’UE vers des tribunaux spéciaux, établis en dehors du cadre juridictionnel et institutionnel de l’Union européenne.

Ou, en d’autres mots: les compétences et attributions de l’UE sont transférées vers des tiers, organismes non légitimés sans contrôle légal. Cette façon de procéder n’est probablement pas conforme au droit européen.

7. L’impartialité des juges dans le nouveau système juridictionnel des investissements (ICS) n’est pas garantie à suffisance!

Fait

Même si la définition de ICS a subi quelques améliorations par rapport à ISDS (en fr.: RDIE) en ce qui concerne la nomination des juges: des déficits très sérieux persistent encore. Ainsi les juges nommés doivent disposer des mêmes qualifications qu’un juriste ou juge reconnu, or, ils ne doivent pas exercer des fonctions en tant que tel, ce qui signifie, le cas échéant, qu’ils peuvent tout à fait avoir défendu, à peu d’intervalle, un plaignant dans une autre affaire semblable, etc. … Au-delà, ils ne reçoivent pas d’emploi fixe, pas de salaire fixe, mais sont payés sur la base d’un tarif journalier, ce qui est du moins susceptible de diminuer leur impartialité. Des règles éthiques de base sur le rôle impartial du juge, à l’instar de la Magna Carta des juges européens datant de 2010, ne sont pas définies de manière satisfaisante et ne sont donc nullement garanties de manière suffisante.

Analyse: Au vu de ce qui précède, les juges ne peuvent aucunement être qualifiés d’impartiaux. Or, c’est précisément cette impartialité du juge, et la confiance dans cette dernière, qui est LE fondement de notre système de droit.

Surtout à ce sujet, la fédération des juges allemands se prononce très clairement: «Ni le processus prévu de nomination des juges de l’ICS, ni leur situation correspondent aux exigences internationales concernant l’indépendance des tribunaux. L’ICS n’apparaît dans ce contexte pas comme un tribunal international, mais plutôt comme tribunal d’arbitrage international permanent.»

La Magna Charta des juges de la CCJE du 17 novembre 2010 (CCJE(2010/3)) exige l’indépendance des juges garantie par la loi, aussi bien d’un point de vue juridique que financier (point 3). Les décisions concernant le choix, la nomination et la carrière doivent être basées sur des critères objectifs, doivent être prises par l’instance qui est sensée garantir l’indépendance (point 5). Aucun des deux critères n’est rempli en ce qui concerne l’ICS. En ce qui concerne les décisions qui doivent être prises par l’ICS, ce ne sont non seulement des questions de droit civil, mais encore des questions de droit administratif, de droit du travail, droit social ou droit fiscal qui jouent un rôle prépondérant. Une sélection de juges de l’ICS issus du cercle des experts du droit international civil et du droit international d’investissement avec expérience dans le règlement de litiges commerciaux internationaux (art. 9, n°4) réduit sérieusement le cercle des candidats et élimine les connaissances indispensables dans les droits nationaux respectifs. Les possibles juges sont réduits au nombre de personnes, qui jusqu’à présent ont déjà en grande partie occupé les postes dans les tribunaux d’arbitrage internationaux. Cette impression est d’autant plus forte que les critères de nomination n’ont pas encore été établis plus précisément. Cela dépendra cependant de l’indépendance du comité de nomination et de sa distance par rapport à l’arbitrage international, dans quelle mesure une sélection parmi les meilleurs juristes nationaux avec les meilleures connaissances dans les différents domaines juridiques. Jusqu’à présent au moins, cela n’est pas garanti.

De même la durée de mandat de six ans avec la possibilité d’un mandat en plus, un salaire de base («retainer fee») d’environ 2000€ par mois pour les juges de première instance et de 7000€ pour les juges de la Cour d’appellation, ainsi que des indemnités en cas d’intervention réelle (art. 9, n° 12 et art. 10, n° 12) laissent survenir des doutes, à savoir si les critères pour une indépendance sur le plan professionnel et sur le plan financier comme il se doit pour une Cour de justice internationale sont vraiment remplis.

De même, la «European Association of judges» voit de gros problèmes en ce qui concerne la composition des tribunaux d’arbitrage: «The Magna Carta points out, that the independence of judges shall be statutory, functional and financial (sect 3). Decisions on selection, nomination and career shall be based on objective criteria and taken by the body in charge of guaranteeing independence (sect 5).

Neither the appointment, nor the term of office nor the retainer-fee meet with this requirements. The committee which is to appoint the judges has not been shaped. However, it is impossible for such a committee to have an oversight on the judges and jurists in all member states of the treaty which might be qualified to be appointed. The treaty keeps quiet about who is going to present suitable candidates to the committee, and or the procedure to be applied. The committee therefore might be a last safeguard against unsuitable appointments, but is no guarantee for an independent appointment in line with sect. 3 of the Magna Carta.

Besides, the proposed text asks for experience in international investment law.

However, most of the disputes might arise on matters of national or European law from all scopes of material law and will not have much to do with investment lawˮ.

Therefore, it is doubtful if the criteria for selecting the judges for the ICS are chosen well.

The term of office of six years is much too short to guarantee the independence of the judges appointed.

As the judges do not have to expect a proper salary, their financial independence is in danger. Judges should be appointed by the relevant national mechanisms and have security of tenure.»

Conclusions qui parlent d’elles-mêmes:

«Association Européenne des Magistrats – Groupe régional de l’Union Internationale des magistrats» / «European Association of Judges – Regional Group of the International Association of Judges»(Paris, November 9th, 2015)

The proposal of “new Investment Court System”, as announced by the European Commission on September 16th 2015 is regarded by the European Association of Judges (EAJ) with serious reservations. The EAJ asks the European Parliament and the Council to scrutinize the proposal very carefully questions weather European Union really needs a completely new Court system to deal with the rights of investors and if so weather the prosed new, modernized system of investment courts” (Commissioner Malmström) really is the best system we can get.

(…) The European Union and its member states have a well-functioning judicial system which is capable of protecting the rights of an investor in all areas of law. It should be central to an international treaty on trade and investment, to apply this system to investors as the central body to safeguards its rights.”

Fédération des juges allemands:

«La fédération des juges allemands» refuse la création d’un tribunal d’investissement proposé par la Commission Européenne dans le cadre du Traité transatlantique d’investissement et de partenariat (TTIP). La fédération des juges allemands ne voit ni la base légale ni la nécessité d’un tel tribunal.

L’idée liée certainement à la proposition d’instaurer un tribunal d’investissement international doit venir de la pensée que les tribunaux des pays membres de l’Union ne sont pas capables de garantir la protection juridique efficace aux investisseurs étrangers est absolument sans fondement. Si les partenaires de négociations pour un TTIP avaient ici trouvé quelconque faiblesse dans certains pays membres de l’UE, ces faiblesses devraient être mises sur table et clairement définies par rapport au législateur national. Ce serait alors le devoir du législateur et des responsables de la justice, de corriger cela dans ce système juridique national et européen qui a fait ses preuves. Ce n’est que de cette façon, que la revendication du respect du droit, qui appartient à chacun(e) en Allemagne et dans l’Union Européenne, qui est à la recherche de justice, peut être garantie. La création de tribunaux extraordinaires pour des groupes à part à la recherche de justice est la mauvaise façon de procéder.»

Organisations de la société civile européenne (*):

«Par ICS des milliers d’entreprises se verraient attribuer le droit de contourner notre système législatif et d’accuser des gouvernements devant des tribunaux d’arbitrage, quand elles estiment leurs possibilités de faire du profit mises en danger par des lois ou des règlementations. À cause de cette proposition, des recettes fiscales, à hauteur de milliards, pourraient terminer dans les caisses de grandes multinationales, et la politique de protection de l’être humain et de l’environnement pourrait être minée». En plus le danger existe que les pays de l’UE ne pourront plus jamais sortir de ce système injuste. Ils y seraient livrés à jamais.» (extrait de: «On ne vit jamais si vieux que lorsqu’on est donné pour mort – le zombie ISDS. La façon dont la Commission Européenne permet aux droits de recours des entreprises de survivre.»)

(*) Publié par: Corporate Europe Observatory (CEO), Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC) Attac Österreich, Campact, ClientEarth, Ecologistas en acción, Forum Umwelt & Entwicklung, Instytut Globalnej Odpowiedzialności (IGO), PowerShift, Seattle to Brussels Network (S2B), Traidcraft, Transnational Institute (TNI), Umanotera, Védegylet, Vrijschrift, War on Want, 11.11.11.

La Fédération des Juges Allemands est avec près de 16.000 membres issus de 25 associations au niveau des lands aussi bien qu’associations professionnelles (qui comptent au total à l’échelle fédérale 25.000 juges et procureurs) l’association professionnelle de juges ainsi que de procureurs de loin la plus grande au niveau de toute l’Allemagne.

Les revendications de la Plateforme luxembourgeoise STOP TTIP

Avec l’introduction du nouveau système juridictionnel des investissements (ICS) dans les accords de libre-échange CETA et TTIP:

  • le droit des Etats nationaux d’agir dans le sens de l’intérêt collectif serait vidé de sa substance;
  • les jugements fondamentaux portant sur la primauté des profits commerciaux ou bien de l’intérêt collectif, seraient faits par une justice parallèle;
  • les compétences des tribunaux nationaux seraient largement sapées;
  • les attributions de la Cour de Justice européenne, qui sont basées sur les Traités européens, seraient remises en question;
  • les droits des multinationales étrangères primeraient sur ceux des firmes et consommateurs nationaux;
  • le droit européen serait très probablement violé;
  • des normes européennes dans les domaines social et environnemental seraient vraisemblablement neutralisées et des normes réformées ignorées d’emblée.

Dans cet ordre d’idées, il importe de rappeler l’importance de CETA: si l’accord de libre-échange avec le Canada était adopté, la porte qui donne sur le marché de l’UE serait déjà grande ouverte pour les firmes américaines – avec les droits de recours bien connus – puisqu’elles n’auraient qu’à implanter un siège de leur société au Canada.

Au vu de ce qui précède, la Plateforme luxembourgeoise STOP TTIP est d’avis que les dispositions sur les tribunaux d’arbitrage ainsi que sur la protection des investisseurs constituent deux arguments décisifs supplémentaires qui devraient motiver le gouvernement luxembourgeois, le parlement et les partis politiques à dire NON aux accords de libre-échange CETA et TTIP!

Entrevue entre la Plateforme Stop TTIP et le Syvicol

stop_ttipLa Plateforme Stop TTIP a été reçue par le Syndicat des Villes et Communes (Syvicol) le 14 mars pour un échange de vues sur l’accord de libre-échange TTIP et son impact sur les communes et les citoyens au niveau local. Lors de cette entrevue, la Plateforme Stop TTIP et le Syvicol ont tous deux exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences possibles de la négociation des accords de libre-échange sur les services publics et sur l’autonomie des collectivités locales.

Cette nouvelle vague d’accords que représente le TTIP, mais aussi le CETA ou encore le TISA, ne se limitent en effet plus uniquement aux questions commerciales classiques, mais ont un champ d’application beaucoup plus vaste. Les services publics qui sont offerts par les communes à leurs citoyens, devraient être exclus de ces accords. Par ailleurs, les communes ne devraient pouvoir être accusées d’entrave à la liberté de commerce du fait des décisions qu’elles prennent à propos de services d’intérêt général qui dépendent pourtant de leurs compétences, ce par le biais de mécanismes de règlement des litiges entre investisseurs et États. Nombre de procédures ont déjà été lancées contre des autorités publiques par le biais de ces mécanismes, qui permettent aux entreprises multinationales et aux investisseurs de poursuivre les États et les collectivités locales lorsqu’ils considèrent que leurs profits, même futurs, sont menacés.

En ce qui concerne les services publics liés aux communes, les deux parties saluent les résolutions adoptées par le Parlement européen, qui fixent des lignes rouges aux négociateurs de la Commission européenne en définissant des zones claires et explicites à exclure des négociations, dont notamment les services publics et la protection des données, et en demandant l’octroi aux autorités publiques du droit de renationaliser des services qui ont été précédemment ouverts à la concurrence.

La Plateforme Stop TTIP et le Syvicol se rallient à ces revendications et exigent l’exclusion de l’ensemble des services publics actuels et futurs du champ d’application des accords TTIP, CETA et TISA. Les deux interlocuteurs demandent également que des garanties réelles et concrètes soient apportées dans ces accords permettant de préserver les compétences des collectivités locales dans le choix, la gestion ou encore la fourniture de services publics de qualité, au nom de l’intérêt général.

Enfin, compte tenu des nombreuses interrogations et incertitudes juridiques qui demeurent, la Plateforme Stop TTIP et le Syvicol jugent qu’il est essentiel de mener une évaluation transparente sur l’impact de ces accords de libre-échange sur l’ensemble des domaines concernés.


La plateforme est composée des organisations suivantes:
Action Solidarité Tiers Monde; Aleba; Bio-Lëtzebuerg-Vereenegung fir Bio-Landwirtschaft Lëtzebuerg Asbl; Caritas Luxembourg; Cercle de coopération des ONG de développement; CGFP; Fairtrade Luxembourg; FGFC; FNCTTFEL; Greenpeace Luxembourg; Initiativ Liewensufank; LCGB; Lëtzebuerger Jongbaueren a Jongwënzer Asbl; Mouvement écologique; natur&ëmwelt a.s.b.l; OGBL; Syprolux; Stop TAFTA Luxembourg; Union luxembourgeoise des consommateurs; Union syndicale fédérale

Un faux jeu en matière de transparence

cube_europe_euDepuis des années, la Plateforme Stop TTIP, dont fait partie l’OGBL, exige plus de transparence lors des négociations afin de pouvoir aborder sérieusement l’analyse des documents consolidés. La Commission européenne mettait en avant les réserves des Etats-Unis pour justifier sa propre retenue. Mais actuellement cette opposition semble être allégée et la Commission « permet » dorénavant aux gouvernements nationaux de donner à leurs parlementaires un accès aux textes.

Un accès en « chambre de lecture »…

En effet, un « compromis » a été trouvé entre les négociateurs qui déclarent les documents « restreint UE ». Cette notion fait référence à des règles de sécurité à des fins de protection des données classées secrètes de l’UE, décidées au Conseil européen le 23 septembre 2013. On y spécifie que les documents en question ne peuvent être étudiés que par les responsables politiques et les fonctionnaires de la Commission européenne, des gouvernements ou des parlements nationaux. Ils n’auront pas le droit, ni de copier des textes, ni de publier les contenus, ni leurs observations. Une publication entraînerait des poursuites juridiques et disciplinaires. Cet accord prévoit l’accès aux textes dans une chambre de lecture. La mise en place d’une telle démarche est définie par les gouvernements.

…dans des conditions très restrictives

Au Luxembourg, le Ministère des Affaires étrangères est chargé de l’application de ces conditions. On y a prévu d’interdire l’utilisation d’appareils électroniques, comme les téléphones mobiles. Les parlementaires ne peuvent pas non plus utiliser des programmes électroniques de traduction. On mettrait à leur disposition des feuilles et des crayons. Les députés n’ont pas le droit de se faire accompagner par leurs attachés ou des spécialistes du droit du commerce international. Nous ne savons pas si le ministère a également prévu de leur retirer les montres, stylos ou autre moyen d’investigation plus sophistiqué.

À ce qu’il paraît, les parlementaires luxembourgeois, contrairement à leurs collègues allemands, auraient le droit d’étudier les textes au-delà de deux heures. En outre, les membres du Bundestag sont surveillés de près par des employés du ministère chargé de la mise en application.

Nos députés devront signer un registre de présence, mais il semble que le ministre Asselborn reste hésitant à faire signer aux représentants du peuple une déclaration par laquelle ils s’engageraient à se conformer aux conditions d’accès aux documents.

La Plateforme Stop TTIP déplore cette forme de transparence amputée, décidée par les autorités européennes et états-uniennes.

  • Dans les conditions restrictives imposées, comment nos représentants pourront-ils travailler de façon sérieuse afin d’apporter plus de transparence au processus?
  • Comme la matière est complexe, pourquoi ne pas autoriser nos députés à se faire accompagner par des spécialistes ?
  • Pourquoi rendre impossible une discussion démocratique sur les documents consolidés, en imposant le secret ? Ainsi, nos députés ne pourront pas défendre les intérêts des citoyens, ce qui est – en tant qu’élu(e)s du peuple – leur obligation première.
  • Et enfin, nous nous demandons pourquoi la société civile n’a pas accès à ces textes qui auront un impact considérable sur nos vies et celle de nos enfants et qui, selon les négociateurs, devraient entraîner tant de bienfaits pour nos sociétés ?

Si l’accès aux documents « restreint UE » sous conditions très restrictives constitue un tout premier pas en vue d’une plus grande transparence, il n’en reste pas moins que la démarche choisie – et la « muselière» imposée aux députés – constitue une farce du point de vue démocratique. En fait un débat public transparent reste toujours impossible – à moins que les députés refusent de s’adonner à ce jeu et doivent pratiquement avoir recours à un acte de désobéissance civile en divulguant les éléments essentiels des textes.

Communiqué par la Plateforme Stop TTIP le lundi 15 février 2016.