Le Comité national de l’OGBL rejette le projet du gouvernement de moduler le système indiciaire jusqu’en 2014 ainsi que le projet de réforme du système de pension

A l’occasion d’une réunion extraordinaire qui a eu lieu le 16 janvier 2012, le Comité national de l’OGBL a rejeté le projet du gouvernement de moduler le système d’indexation des salaires et pensions jusqu’en 2014. Ce projet enlève l’automatisme du système indiciaire et en fait un « index planifié ».

Cette planification consiste à fixer la prochaine tranche indiciaire artificiellement au 1er octobre 2012 alors qu’elle arrive à échéance le 1er mars. Les salariés et pensionnés perdront de ce fait sept mois d’adaptation de leur revenu au coût de la vie en 2012. Par ailleurs, le projet du gouvernement prévoit de fixer ensuite des intervalles de 12 mois entre les tranches indiciaires éventuelles qui viendront à échéance en 2013 et 2014. Cet intervalle sera calculé à partir du 1er octobre 2012.

Lorsque le système devra de nouveau fonctionner normalement à la fin de la période de modulation, le gouvernement ne tiendra pas compte de l’évolution réelle de l’inflation pendant la période 2012-2014, mais se basera comme point de départ pour le calcul de l’échéance suivante sur la dernière échéance fixée artificiellement par lui. Cette modulation fera perdre aux salariés et pensionnés au moins un demi milliard d’euros en pouvoir d’achat et fera gagner aux entreprises le même montant sans que l’Etat ne leur demande une quelconque contrepartie. Il s’agit donc d’un cadeau supplémentaire que l’Etat fait au patronat.

En ce qui concerne la réforme des pensions, le Comité national, après avoir entendu en détail les changements prévus, rejette cette réforme comme une simple approche comptable avec un seul but: réduire les dépenses, donc les prestations à l’avenir. Il ne s’agit par conséquent pas d’un progrès mais d’une régression sociale.

L’OGBL mettra en ligne sur son site internet début février un dossier sur la réforme du système de pension, et nous donnerons aux internautes la possibilité de poser des questions à ce sujet. Les questions et les réponses seront publiées sur le site.

Enfin, le Comité national a donné son feu vert au Bureau exécutif pour combattre ces projets par tous les moyens syndicaux.

Le 19 janvier 2012

 

Front syndical contre la modulation de l’index: la manipulation prévue prépare la fin de l’indexation automatique des salaires, traitements et pensions

Les organisations syndicales sous-signées marquent leur profond désaccord avec le projet de loi n°6378 adaptant certaines modalités d’application de l’échelle mobile des salaires et des traitements.

Le projet de loi organise les adaptations de l’index pour les années à venir en reportant la tranche de mars 2012 au mois d’octobre et en fixant un écart minimal de 12 mois entre deux tranches en 2012, 2013 et 2014.

Ceci amène des pertes de salaires allant au total jusqu’à plus de 60% d’un salaire mensuel en fonction de l’évolution de l’inflation. Pour un salaire mensuel de 2000 euros, cela peut représenter une perte sur trois ans de plus de 1.200 euros.

Au-delà de ces pertes, le projet risque d’engendrer l’annulation définitive d’une tranche indiciaire complète.

Par ailleurs, le projet provoque au-delà de 2014 un retard définitif de l’indexation sur l’inflation (en plus de celui qui existe déjà en raison des modulations antérieures).

En effet, la remise à niveau prévue en 2014, c’est-à-dire l’annulation d’une partie de l’inflation accumulée, a comme conséquence que le projet a des effets non seulement pour les années 2012, 2013 et 2014, mais également au-delà de cette période. Le mécanisme de l’indexation prendra ainsi un retard permanent sur l’inflation de plusieurs mois.

Les organisations syndicales rejettent donc le projet de loi qui abolit de facto le système de l’indexation automatique des salaires, traitements et pensions.

Ce changement de système implique que le législateur fixe de manière volontariste et arbitraire les dates des applications des tranches indiciaires dénouées dorénavant complètement de l’évolution réelle des prix.

Le projet dépasse donc de loin l’objectif lui assigné par le gouvernement d’une mesure «anti-crise», mais constitue en vérité une réforme structurelle menant à une dévalorisation définitive des salaires et des pensions, c’est-à-dire du pouvoir d’achat.

Le projet renforce les inégalités et met en péril la paix sociale

Le projet accentue de ce fait les inégalités déjà croissantes au cours des dernières années en renforçant la tendance existante d’une répartition des richesses de plus en plus en faveur des entreprises et des actionnaires aux dépens des salariés. En effet la part des salaires dans la valeur ajoutée connaît depuis des années déjà une tendance à la baisse.

Par ailleurs, en supprimant de fait la revalorisation universelle des salaires par rapport à l’inflation, le projet met en péril tout le système de la négociation salariale au Luxembourg et ainsi, à moyen terme, la paix sociale. Des conventions collectives de longue durée ne sont plus possibles, puisque les négociateurs ne savent pas s’ils doivent prendre en considération ou non l’inflation, voire une perte définitive d’une tranche indiciaire. Un des éléments facilitateurs des négociations collectives au Luxembourg sera d’ores et déjà compromis, ceci d’autant plus que le projet de loi ne prévoit pas de clause d’ouverture permettant, le cas échéant, de déroger au carcan fixé.

Appel au gouvernement et aux députés

Pour toutes ces raisons, les organisations syndicales demandent au gouvernement de retirer ce projet de loi et appellent les députés à voter contre. Les organisations syndicales inviteront tous les députés à une réunion pour leur expliquer les raisons et motivations qui les ont incitées à prendre cette position.

Communiqué par l’OGBL, le LCGB, la CGFP, l’ALEBA, la FGFC, la FNCTTFEL et SYPROLUX
le 11 janvier 2012

 

Le Bureau exécutif de l’OGBL rejette le projet gouvernemental de modulation de l’index

Le projet de loi relatif au versement décalé des tranches indiciaires pendant les années 2012, 2013 et 2014 qui sera soumis au vote du Parlement fin janvier, a été rejeté par le Bureau exécutif de l’OGBL, le 6 janvier 2012.

Les motifs avancés par le gouvernement pour justifier une modulation de l’index sur une période de trois ans qui aura des répercussions encore bien au-delà, sont exagérés et contreproductifs au vu de la récession économique qui menace.

Pour l’OGBL, il est par ailleurs inacceptable que ne soit prévue aucune mesure sociale et fiscale substantielle en compensation de la perte du pouvoir d’achat due à  la modulation de l’index, comme par exemple une revalorisation des allocations familiales respectivement des crédits d’impôt, des prestations améliorées dans le domaine du logement et de la santé ainsi qu’un système tarifaire échelonné en matière de consommation d’eau et relatif aux déchets. L’OGBL regrette l’absence d’un concept clair du gouvernement concernant le freinage de l’évolution des prix jusqu’en 2014 notamment en ce qui concerne les prix administrés.

Importante perte de pouvoir d’achat

 

Le projet de loi actuel ne prévoit pas seulement le retardement du paiement de l’index en 2012 mais également pour toutes les années à venir, au-delà de 2014 même. A combien la perte de pouvoir d’achat se chiffrera jusqu’en 2014 pour les salariés actifs et les pensionnés dépendra finalement du niveau réel de l‘inflation. Avec un taux d‘inflation de 2,0% à 2,5%, la perte du pouvoir d’achat s’élèverait certes à plus d’un demi milliard d’euros. Chaque salarié devra donc s’attendre à la perte d’un demi-salaire au moins. En cas d’un taux d’inflation un peu plus élevé, nous risquons même la perte intégrale d’une tranche indiciaire et donc une perte de pouvoir d’achat s’élevant à plus d’un milliard d’euros!

Projet totalement exagéré!

 

Le gouvernement ne propose pas seulement un retardement du paiement de l‘index limité aux années 2012-2014 mais projette de décaler son paiement définitivement c’est-à-dire de façon structurelle.

Pour le calcul de l’intervalle minimum de 12 mois entre le paiement de deux tranches indiciaires pendant la période 2012-2014, le point de départ ne serait plus l’échéance normale et légale de la tranche précédente, c.-à-d. le 1er mai 2011, mais la date de l’application modulée de la tranche, c.-à d. le 1er octobre. Ainsi, il ressort clairement qu’on ne profitera pas des trois prochaines années pour récupérer progressivement le retardement du paiement afin de retourner au fonctionnement normal de l’index à partir de 2014. Un point de départ artificiellement décalé servira également comme base de calcul à partir de 2014 ce qui est inacceptable pour l’OGBL!

Des bénéfices supplémentaires élevés pour les entreprises sans garanties d’investissement et de création d’emplois de leur part!

 

A quelles fins sera utilisé cet argent que le patronat économiserait aux dépens des salariés? Ce sera ce pouvoir d’achat qui manquera à l’économie luxembourgeoise, en premier lieu au commerce, à l’artisanat et à bien d’autres domaines du secteur tertiaire. L’OGBL constate que le gouvernement ne demande pas de garanties aux employeurs et ne les oblige d’aucune façon à investir ces centaines de millions d’euros dans leurs entreprises et dans la création de nouveaux emplois. Les salariés devraient-ils accepter des pertes de revenu et de pouvoir d’achat afin de rassasier davantage les actionnaires?

Pour toutes ces raisons, le Bureau exécutif de l’OGBL rejette le projet de loi et demande expressément au gouvernement de le retirer ou de le revoir en profondeur.

Le Bureau exécutif de l’OGBL proposera au Comité national de l’OGBL en réunion extraordinaire le 16 janvier, de ne pas seulement rejeter le projet de loi actuel mais d’appeler les députés luxembourgeois à voter contre le projet de loi.

Communiqué par le Bureau exécutif de l’OGBL
le 9 janvier 2012

 

Pourquoi la Tripartite entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats a-t-elle échoué?

La réponse à cette question est vite trouvée. La position de négociation avancée par la fédération patronale UEL était une provocation délibérée et une attaque frontale contre les fondements du modèle social luxembourgeois, contre les conditions de rémunération et de travail de l’ensemble du salariat et contre le dialogue social au niveau national.

L’extrémisme antisocial et antisyndical de l’UEL déroba la Tripartite dès le début de toute base de négociation viable et lui enleva toute chance à arriver à un accord commun. La rupture anticipée des négociations tripartites était la conséquence logique de cet acte de sabotage de la part du patronat.

Le catalogue des revendications néolibérales de l’UEL contre notre modèle social

 

  • Diminution des salaires et du pouvoir d’achat d’au moins 5% suite à l’arrêt de l’indexation des salaires jusqu’en 2014.
  • « Modération salariale générale stricte » jusqu’en 2014. Ceci veut dire aucune augmentation à prévoir lors des négociations collectives.
  • Etude de l’impact d’une « désindexation générale » de l’économie. Au clair: abolition du système d’indexation des salaires à partir de 2014 et destruction du modèle luxembourgeois de négociation salariale.
  • Flexibilisation supplémentaire du temps légal de travail. Introduction d’une période de référence de 4 mois et d’une durée hebdomadaire maximale de 54 heures ainsi qu’une dégradation de la réglementation en matière d’heures supplémentaires. Au clair: travailler plus et de manière plus dérégulée pour moins d’argent et moins de loisirs.
  • Etendre le champ d’application et la durée du contrat de travail à durée déterminée (CDD); mise au travail des chômeurs, à subventionner par les deniers publics à hauteur de 50% du salaire social minimum.
  • Dégradation de la protection légale du salarié en cas de maladie. Les travailleurs frontaliers sont menacés par ailleurs par l’introduction de jours de carence en cas d’arrêt maladie.
  • Refus catégorique d’une réforme de la législation sur les délégations du personnel et les comités mixtes, pourtant prévue dans l’accord gouvernemental. En d’autres termes: pas de cogestion et pas de dialogue social dans les entreprises.
  • Contre l’adaptation du salaire social minimum au 1er janvier 2013.
  • Dégradation du système actuel d’adaptation du salaire social minimum à l’évolution général des salaires: introduction d’un critère d’évaluation supplémentaire relatif à la difficulté d’insertion des travailleurs non qualifiés afin de niveler le salaire minimum par le bas.

La position de l’OGBL

 

L’OGBL exige de la part de l’UEL qu’elle renonce à sa dérive extrémiste. L’OGBL défie l’UEL à se prononcer clairement en faveur du modèle social luxembourgeois et d’un réel dialogue social et à s’engager activement pour le maintien de la paix sociale au Luxembourg.

L’OGBL, ensemble avec les autres syndicats représentatifs au niveau national, la CGFP et le LCGB, a par ailleurs informé le gouvernement en date du 13 décembre qu’ils sont prêts à négocier avec le gouvernement un accord global sur tous les points suivants:

  1. Ouvertures envers le gouvernement en vue d’une modulation temporaire du système d’indexation en raison de la crise actuelle (retardement des échéances des tranches indiciaires), sous condition qu’il s’engage en faveur de la pérennisation du système indiciaire et que le  système retournera à son fonctionnement normal au plus tard en 2014,
  2. Prévoir des mesures compensatoires au niveau du pouvoir d’achat (prestations familiales, boni enfant, crédit impôt pour salariés, etc.) et renoncer jusqu’en 2014 à toute dégradation des prestations de l’assurance-maladie et de l’assurance dépendance,
  3. Prévoir que le gouvernement mette en œuvre une politique de stabilisation des prix et notamment un système de tarification socialement juste en ce qui concerne l’eau et les déchets,
  4. Réformer la législation relative aux délégations du personnel et des comités mixtes en 2012, c’est-à-dire avant les élections sociales de 2013,
  5. Exclure toute flexibilisation supplémentaire de la législation sur le temps de travail,
  6. Adapter comme prévu le salaire social minimum et les pensions à l’évolution générale des salaires au 1er janvier 2013.

Pour l’index et nos salaires!
Pour une politique progressiste en matière des conditions de travail!
Pour une réforme de la représentation du personnel dans les entreprises!

 

 

 

Il faut retrouver un nouveau consensus national sur le modèle social luxembourgeois

Entretien avec Jean-Claude Reding, président et André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL

Aktuell: Chers collègues, l’année 2011 s’achevant, quels ont été les défis et les succès de l’OGBL cette année?

Jean-Claude Reding, président de l'OGBL

JCR: Un des plus grands défis pour l’OGBL en 2011 – et en fait depuis 2009, depuis la manif du 16 mai 2009 – était de mettre en pratique le mot d’ordre des 30 000 manifestants: «nous n’allons pas payer pour la crise financière, car nous ne l’avons pas causée». L’OGBL voulait et veut toujours éviter que le gouvernement mène une politique d’austérité comme dans beaucoup d’autres pays de la zone euro. Car cette politique nous conduira droit vers la récession, une récession cette fois-ci produite par la politique. C’est d’ailleurs ce que le mouvement syndical européen et international essaie de faire comprendre aux gouvernants depuis plusieurs années. Hélas, sans grand succès jusqu’aujourd’hui.

André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL

AR: En revanche, au Luxembourg il faut constater que l’opposition ferme de l’OGBL contre la politique de rigueur et d’austérité envisagée par le gouvernement en 2010 a eu des effets positifs. Ce qui nous permet de parler de succès. On les oublie souvent un peu trop vite. En 2010, nous avons déjà réussi à alléger considérablement le paquet de mesures d’austérité initial et nous avons continué nos efforts en 2011. Nous avons par exemple obtenu que l’impôt de crise sera abrogé au 1er janvier 2012 et que l’indexation des salaires et retraites ait été maintenue dans sa structure, même si une tranche a été reportée de quelques mois. Dans le domaine de la sécurité sociale, nous avons obtenu l’abandon de la taxe d’entrée en polyclinique de 2,50€ et l’engagement du gouvernement d’augmenter la participation de l’Etat au financement de l’assurance dépendance, en fait que l’Etat revienne à sa part de financement précédente.

JCR: Il faudrait ajouter à la liste le fait que malgré toutes les pressions de la part des fédérations patronales, nous avons quand même eu une augmentation du salaire minimum au 1er janvier 2011 de 1,9% et les conventions collectives ont continué à sécuriser les salaires d’un très grand nombre de salariés. Ce qui veut dire que pour la grande majorité des travailleurs et pensionnés le pouvoir d’achat n’a pas trop souffert pendant ces années de crise et a contribué au fait que notre pays s’en est plutôt bien sorti. Enfin, dans un tout autre registre, nous avons réussi à organiser à Luxembourg-ville une euro-manifestation contre la politique d’austérité européenne le 21 juin avec une forte participation luxembourgeoise.

Aktuell: Est-ce que vous avez dû encaisser des échecs, qu’est-ce qui vous a déçu le plus pendant cette année?

JCR: Je ne parlerais pas d’échecs mais peut-être de déception que dans les enceintes européennes et internationales nos ministres, notre Premier ministre, les responsables politiques en général ne défendent pas davantage les citoyens, les salariés, les services publics, nos systèmes de protection sociale, nos structures démocratiques aussi. Au niveau européen, les attaques contre le droit du travail, contre certaines protections sociales, contre les salaires continuent tout comme la politique de libéralisation et de privatisation. Les technocrates préparent des textes et les politiques les adoptent pour, par exemple,  transformer petit à petit tous les services publics en services marchands. La logique du marché et de la concurrence domine tous les aspects de la politique. A titre d’exemple, était-ce vraiment nécessaire de transformer l’eau en marchandise? La conséquence en est l’augmentation du prix de l’eau!
Depuis cette année, nous constatons par ailleurs la mise en pratique d’un système de contrôle du travail parlementaire par les euro-technocrates. Je parle ici de la vérification par la Commission européenne de la loi la plus importante de toute session parlementaire, la loi budgétaire. Et la Commission européenne pousse à aller encore plus loin dans ce contrôle, et nos politiques ne semblent manifester aucune forme de résistance. Jamais depuis l’instauration des démocraties parlementaires en Europe, les dirigeants politiques ont si facilement abandonné leurs pouvoirs à des structures non-démocratiques. Tout cela nous fait dire que finalement les syndicats sont les seules forces d’opposition qui défendent encore les droits des salariés, des citoyens en général et l’intérêt public.

AR: J’aimerais enchaîner sur le même sujet et dire que depuis plusieurs décennies les gouvernements transfèrent graduellement des domaines entiers de politique notamment au niveau des services publics – services postaux, chemin de fer, énergie, télécommunications, – à des acteurs privés avec les conséquences que nous connaissons dans beaucoup de pays: des tarifs qui ne cessent d’augmenter, des agences qui ferment, une qualité réduite de certains services, etc.
C’est particulièrement décevant pour moi de voir que nos politiques n’ont rien appris de la crise de 2008 et qu’ils sont en train de plonger l’Europe dans une crise encore plus grave. Ils se laissent guider non par le bon sens, mais par les lobbys du grand capital!

Aktuell: Quels sont les principaux chantiers syndicaux de l’OGBL pour 2012?

JCR: Nous allons continuer à défendre le pouvoir d’achat, l’indexation des salaires et retraites, le modèle de négociation collective luxembourgeois, le salaire minimum, le droit du travail et bien sûr notre système de sécurité sociale. Nous serons confrontés à la réforme de l’assurance pension et nous devrons veiller à ce que ce système excellent ne soit pas dénaturé. Nous devons veiller notamment à ce que les jeunes d’aujourd’hui puissent démarrer leur vie professionnelle avec la confiance de pouvoir compter sur une bonne protection sociale à la fin de leur carrière.

AR: J’ajouterais que l’OGBL œuvre depuis des années pour obtenir une nouvelle loi sur la cogestion des salariés dans les entreprises. Nous demandons plus de droits pour les délégués du personnel et une meilleure protection de ceux-ci. Nous ferons tout afin que ce dossier avance concrètement en 2012. Et puis nos 15 syndicats professionnels auront chacun dans son ou ses secteurs des combats à mener contre la dégradation des conditions de travail, pour une évolution des salaires en relation avec les gains de productivité, pour un accroissement du nombre de conventions collectives de travail, contre les délocalisations ou fermetures d’usines comme dans la sidérurgie par exemple.

Aktuell: Que vous inspire le tournant que prend la crise du système économique et financier, êtes vous optimistes pour 2012?

JCR: Depuis le début de la crise financière en 2008, les syndicats ont mis en garde les politiques de ne pas faire payer les salariés, les retraités, les personnes privées en général. Dans un premier temps les banques ont été sauvées avec les deniers publics. Pour pouvoir faire cela, les Etats se sont davantage endettés et puis les mêmes qui furent sauvées, les banques, commençaient à ne plus vouloir prêter aux Etats sous prétexte qu’ils étaient trop endettés. La suite nous la connaissons. La politique d’austérité rend la situation encore plus grave, car lorsque les salariés sont amputés d’une part de leurs revenus, lorsqu’on réduit les salaires, les pensions, les prestations et transferts sociaux, on diminue le pouvoir d’achat des gens et on provoque ainsi un ralentissement économique. Qui ensuite est pris comme raison pour agrandir encore davantage la pression sur ces Etats, ainsi de suite. Ce cercle vicieux risque non seulement de nous plonger dans une récession économique grave mais risque même de conduire au démantèlement de la construction européenne, risque de nous mener vers la crise politique et sociale la plus grave que l’Europe n’ait connue depuis les années 30. Tout le monde est mis à mal actuellement, sauf les lobbys du grand capital!

AR: On ne peut qu’espérer que les dirigeants politiques se rappellent vite des pouvoirs dont ils sont investis par leurs peuples respectifs et trouvent des issues politiques aux crises qui nous menacent. Il est inacceptable que les agences de notation et les banques centrales tiennent le monde entier en haleine et dictent aux Etats la politique à mener. Tout ce système totalement incroyable doit être stoppé. Les seuls qui peuvent le faire ce sont les dirigeants politiques. Au lieu de courir après les spéculateurs, ils devraient s’intéresser aux travailleurs, à ceux qui produisent tous les jours les richesses économiques réelles.

Aktuell: N’avez-vous pas l’impression qu’au niveau du G20 une prise de conscience est quand même en train de se manifester?

JCR: Effectivement, il me semble qu’une prise de conscience est en train de s’opérer à ce niveau-là. Le monde syndical était positivement surpris que lors du G20 à Cannes début novembre les grands de ce monde aient soudainement découvert les conventions de l’OIT (NDLR: l’Organisation Internationale du Travail), qu’ils aient appelé à ratifier les 8 conventions fondamentales de l’OIT pour mieux protéger les travailleurs partout dans le monde et en général qu’ils aient affiché leur intention de renforcer la dimension sociale de la mondialisation. Le mouvement syndical exige depuis des années que l’OIT soit associée aux négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et aux décisions du FMI, de la Banque mondiale, … Mais est-ce que l’action réelle suivra les déclarations d’intention au vu de ce qui se passe actuellement dans les pays de l’OCDE ? Je suis plus que dubitatif. (NDLR: nous publions ci-dessous un extrait de la déclaration du G20 de Cannes)

Aktuell: Et quid du modèle social luxembourgeois du dialogue tripartite? Ce modèle a-t-il encore un avenir?

JCR: Il faut distinguer le dialogue tripartite en continu par exemple au niveau du Conseil économique et social et dans les institutions de la sécurité sociale, et le dialogue en cas de crise qui a lieu au sein du Comité de coordination tripartite, c.à.d. dans la « Tripartite ». A tous ces niveaux, le côté patronal a essayé ces derniers temps à imposer des revendications radicales qui auraient comme conséquence le démantèlement de tout ce qui est particulier dans le modèle luxembourgeois, comme par exemple la suppression de l’indexation des salaires et des pensions à l’évolution des prix ou encore la remise en cause du système de sécurité sociale basé sur le principe de la solidarité. Les représentants patronaux ont adopté la posture du tout ou rien!

AR: Cette attitude à fait échouer la tripartite de 2010 et contraint le gouvernement à progresser par voie d’accords bipartites. Nous voyons aujourd’hui des signes que la raison revient. Les organisations patronales semblent avoir abandonné leur boycott des réunions dans les institutions de sécurité sociale et nous espérons qu’elles feront de même au niveau du Conseil économique et social. Mais c’est un espoir ténu et fragile. Pour l’OGBL, le dialogue social est absolument nécessaire pour l’avancement du pays. Nous devons défendre notre modèle luxembourgeois et tous les instruments qu’il nous procure. Un petit pays comme le Luxembourg ne peut que progresser lorsque les acteurs principaux sont d’accord sur les fondamentaux.

Aktuell: Mais vu l’attitude hésitante d’un des partenaires-clés de ce dialogue, les employeurs, ne faudrait-il pas rechercher un nouveau consensus national sur les éléments fondamentaux de notre modèle luxembourgeois et quels pourraient être ces éléments?

JCR: Tout à fait! Il faudrait en fait renouveler notre accord sur les lignes de force du modèle social luxembourgeois que j’essaie de résumer en 3 points:

  • un système de protection sociale performant c.à.d. un système public avec une couverture universelle et des prestations de haut niveau et de qualité. Ce système est un atout pour éviter des dérives économiques et sociales;
  • une politique salariale qui protège le pouvoir d’achat, qui associe les salariés de façon équitable aux gains économiques et qui prend en considération la situation concrète des entreprises et secteurs économiques;
  • une volonté politique et sociale de garantir une distribution équitable de la richesse produite, de maintenir une hiérarchie des revenus qui favorise le maintien d’une couche salariale moyenne forte et qui évite le phénomène des «working poor» et la précarité par le biais d’une politique fiscale, sociale et familiale adéquate ainsi que d’une politique de la formation guidée par le double souci de l’égalité des chances et de la qualification du plus grand nombre.

Aktuell: Chers collègues, nous vous remercions de cet entretien intéressant.


Extrait de la déclaration finale du G20 publié le 4 novembre 2011 à Cannes

Favoriser l’emploi et la protection sociale

3. Nous sommes fermement convaincus que, pour rétablir la croissance et la confiance, l’emploi doit être au cœur des mesures et des politiques que nous adoptons dans le Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée. Nous sommes déterminés à intensifier nos efforts pour lutter contre le chômage et  encourager la création d’emplois décents, notamment pour les jeunes et ceux qui ont été le plus touchés par la crise économique. Par conséquent, nous décidons de mettre en place un groupe de travail du G20 sur l’emploi, qui s’intéressera prioritairement à l’emploi des jeunes, et qui alimentera les travaux de la réunion du G20 des Ministres du travail et de l’emploi en 2012 sous présidence mexicaine. Nous avons chargé des organisations internationales (FMI, OCDE, OIT, Banque mondiale) de rendre compte aux Ministres des finances des perspectives d’emploi dans le monde et de la manière dont notre programme de réforme économique dans le cadre du G20 contribuera à la création d’emplois.
4. Nous reconnaissons qu’il est important d’investir dans des socles de protection sociale définis au niveau national dans chacun de nos pays, notamment l’accès aux soins médicaux, la sécurité des revenus pour les personnes âgées et les personnes handicapées, les allocations familiales, une garantie de revenu pour les chômeurs et l’assistance aux travailleurs pauvres. Ces socles permettront de renforcer la résilience de la croissance, la justice et la cohésion sociales. À ce titre, nous prenons note du rapport du Groupe consultatif mondial sur le socle de protection sociale, présidé par Madame Michelle Bachelet.
5. Nous nous engageons à promouvoir et faire respecter les principes et droits fondamentaux au travail. Nous félicitons l’OIT et nous l’encourageons à continuer de promouvoir la ratification et la mise en œuvre des huit conventions fondamentales de l’OIT.
6. Nous sommes résolus à renforcer la dimension sociale de la mondialisation. Les questions sociales et l’emploi, tout comme les questions économiques, monétaires et financières, continueront de faire partie intégrante de l’action du G20. Nous demandons aux organisations internationales de renforcer et de rendre plus efficace leur coordination. Dans la perspective d’une plus grande cohérence de l’action multilatérale, nous encourageons l’OMC, l’OIT, l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI à renforcer leur dialogue et leur coopération.
7. Nous sommes convaincus du rôle essentiel du dialogue social. Dans ce contexte, nous nous félicitons de la tenue des réunions B20 et L20 sous présidence française et de la volonté de ces enceintes de travailler avec nous, comme l’indique leur déclaration commune.

Renforcer la protection sociale, maintenir le pouvoir d’achat au lieu d’accentuer la crise!

Jean-Claude Reding, président de l’OGBL
Jean-Claude Reding, président de l’OGBL

Renforcer la protection sociale, maintenir le pouvoir d’achat devrait en ce moment être le principe de l’action politique au lieu d’accentuer la crise par une politique d’austérité exagérée et socialement injuste, une crise qui n’avait pas été causée par les dettes publiques mais par la spéculation, le goût du risque du monde financier, la folie de la déréglementation et l’avidité du profit. Et c’est un scandale qu’on permet maintenant à ceux qui ont été à l’origine de la crise financière de 2008 de gagner gros grâce à des intérêts excessifs encaissés sur les emprunts d’Etat.

Le mouvement syndical ainsi que des économistes critiques ont dès le début mis en garde devant une telle politique conduisant selon eux directement à une nouvelle récession, pire encore, à une dépression comme celle des années trente du siècle passé.

Au contraire, il y va de renforcer la protection sociale des citoyens, de maintenir le pouvoir d’achat des salariés et des pensionnés et de pratiquer une politique fiscale équitable, une politique fiscale qui veille à ce que les hauts revenus, les grandes fortunes et les profits non réinvestis soient soumis à une imposition supérieure à celle d’aujourd’hui.

Nous devons également prendre garde au Luxembourg à ne pas accentuer la crise par une politique d’austérité qui va dans le mauvais sens.

Voilà pourquoi l’OGBL s’oppose à des changements structurels de notre système d’indexation. Si on enlevait l’essence du panier de la ménagère du fait qu’il provoque trop de fluctuations dans l’évolution des prix et à cause des coûts engendrés par l’indexation pour les entreprises actives sur le marché national et régional il serait bientôt question de sortir aussi le mazout du panier de la ménagère et puis le gaz, l’électricité ainsi que la farine de blé ou d’autres denrées, qui elles aussi sont négociées sur les marchés internationaux et soumises aux spéculations. Ne serait-il pas nécessaire, au contraire, de lutter contre la spéculation internationale et d’influer sur les prix administrés, les prix fixés par l’Etat et les communes mais aussi par les établissements publics afin de les modérer.

L’index sert à mesurer l’évolution des prix des biens de consommation, de façon neutre et avec un résultat aussi proche que possible du comportement des consommateurs. Les prix mesurés par cet index de consommation n’ont pas grand chose à voir avec la compétitivité des entreprises exportatrices; celle-ci dépendant plus des prix des matériaux utilisés, du taux de change EUR/ USD, des taux d’intérêt exigés pour les crédits d’investissement, des loyers, des prix des infrastructures etc.

Bien sûr qu’ArcelorMittal, BGL BNP Paribas, Dupont, Goodyear, PWC, Dussmann, IEE, SES, RTL, Dexia, et demain les établissements publics libéralisés Enovos, P&T, CFL et leurs filiales, se feraient un plaisir d’augmenter leurs marges de bénéfice aux dépens de l’évolution salariale afin de pouvoir augmenter les dividendes de leurs actionnaires et les boni du management. Voilà pourquoi les leaders patronaux de premier plan, dont les revenus avec ou sans index ont augmenté au cours des dix dernières années de façon beaucoup plus spectaculaire que les salaires moyens de leurs salariés, exigent sans aucune honte de supprimer les tranches indiciaires pour les deux prochaines années et affirment de la même manière effrontée qu’ils pourraient tout au plus accepter que l’indexation du salaire minimum subsiste. Et voilà pourquoi l’OGBL n’acceptera pas une telle réglementation.

Dans la discussion sur l’index, le but des patrons n’est pas plus de justice sociale, mais la destruction d’un système qui garantit l’adaptation des revenus des salariés à l’inflation. Lorsque les syndicats revendiquent l’équité fiscale et soulignent que l’équité salariale ne peut pas être atteinte par le biais de l’index, mais seulement par une réforme fiscale approfondie, le silence s’établit dans les réunions de la tripartite. Pourquoi donc a-t-on introduit un impôt de crise pour tous au lieu d’introduire un impôt spécial sur tous les revenus supérieurs à 200 000 ou 250 000 € comme l’avait proposé l’OGBL?

Fort malheureusement devons-nous constater chez un grand nombre de politiciens – tous les partis politiques représentés au Parlement confondus à l’exception du parti de la Gauche – une entente selon laquelle il serait inévitable de dégrader structurellement le système d’indexation. L’OGBL cependant continuera à défendre notre système indiciaire. Depuis 2006, nous nous opposons aux tentatives de dégradation ou de suppression de notre système d’indexation. A ce jour nous avons réussi ce défi même si nous devions accepter des décalages. Le système a pu être maintenu et nous continuerons à le défendre. Ceci est dans l’intérêt des salariés et des pensionnés. Il est important de maintenir le pouvoir d’achat et la protection sociale des salariés et pensionnés à un niveau élevé. Ni le démantèlement social ni la perte de pouvoir d’achat ne créent ou maintiennent des emplois, ils les détruisent tout bonnement.

Le maintien du pouvoir d’achat de même que de bonnes pensions et de bonnes prestations sociales en cas de maladie, d’accident, de handicap, en cas de chômage deviennent dans la configuration actuelle une question de justice, car ce ne sont ni les salariés ni les pensionnés qui sont responsables de la crise. Pourquoi devraient-ils payer pour une crise qu’ils n’ont pas causée?

Le maintien du pouvoir d’achat revêt aussi une grande importance pour l’économie luxembourgeoise, car une régression de ce pouvoir d’achat affecterait gravement les commerçants, l’artisanat et les entreprises actives sur le marché local ou régional.

Voilà pourquoi il ne faut pas supprimer des tranches indiciaires, voilà pourquoi le panier de la ménagère ne doit pas être manipulé.

Voilà pourquoi il faut profiter de la bonne situation des finances publiques afin de protéger les citoyens le mieux possible contre les conséquences de la crise.

Voilà pourquoi il est important de défendre notre système des pensions, de sécuriser notre assurance dépendance et notre assurance maladie, de ne pas détériorer leurs prestations mais au contraire de les améliorer. Il reste du pain sur la planche tout aussi bien dans le domaine de l’assurance dépendance que dans celui de l’assurance maladie.

Voilà pourquoi il faudra aussi un changement de cap dans le domaine de la politique familiale. Les allocations familiales ne peuvent pas rester gelées au niveau de 2006 pour toujours.

Voilà pourquoi il est également nécessaire en matière de politique fiscale de faire des adaptations en faveur des salariés par exemple en augmentant les crédits d’impôt et le boni pour enfants.

Par ailleurs, des améliorations qualitatives en ce qui concerne la cogestion des salariés et de leurs syndicats sur le lieu de travail sont nécessaires. Un dialogue social de qualité est dans l’intérêt de la politique de l’emploi, de l’évolution de la productivité, du potentiel innovateur des entreprises. Le gouvernement doit donc également agir au plus vite dans ce domaine. Trop de temps a déjà été perdu. Un sujet en plus à mettre à l’ordre du jour de la Tripartite.