La crise de la dette et la manière d’en sortir alimentent partout les débats. Et c’est bien légitime. Mais il existe une dette sociale qui est tout aussi importante que la dette monétaire si on veut sauver l’Europe.
Les programmes imposés aux pays en difficulté, mais aussi à d’autres pays qui veulent se conformer aux critères, se concentrent sur les coupes budgétaires qui affectent les plus vulnérables, sur une diminution de la protection sociale et sur l’affaiblissement des relations industrielles. Il s’agit d’une opération systématique de démantèlement du modèle social qui a fait de l’Europe cette terre de démocraties avancées et d’inégalités sociales réduites. Il existe aujourd’hui une urgence sociale dans les pays du Sud alors que les niveaux d’inégalités augmentent partout. Certains programmes économiques encouragent la création de zones franches en Europe qui concurrencent et ébranlent les pays qui, pour le moment, s’en sortent mieux. C’est inacceptable. Ce que les travailleurs en Grèce, au Portugal, en Irlande et en Espagne subissent aujourd’hui fera tôt ou tard boomerang et affectera les travailleurs dans le Nord.
La situation des jeunes est particulièrement insupportable. Leur taux de chômage est proche de ou atteint déjà 50% dans plusieurs pays du Sud et les conditions de travail précaires croissent partout en Europe.
L’austérité ne mène pas seulement à une urgence sociale. L’austérité est aussi un spectaculaire échec : elle ne s’attaque pas au fardeau excessif de la dette ni ne restaure la confiance des marchés. Au contraire, l’austérité affaiblit davantage encore les finances publiques. Même si la Grèce ou l’Espagne connaissaient un déficit nul, leur ratio d’endettement exploserait malgré tout à cause de l’effondrement de leur PIB et de leur activité économique exacerbé par des taux d’intérêt intenables qui leur sont imposés pour satisfaire les attentes des marchés financiers.
Et qui en profite ?
Le capitalisme de casino est à l’origine des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Ce système a échoué mais le capital n’est pas remis en cause et son fonctionnement est toujours protégé. Les banques manipulent les taux d’intérêt dans leurs confortables bureaux mais les gouvernements continuent à faire en sorte que ce soit les gens qui paient pour l’échec du système.
Les institutions de l’Union européenne, Conseil et Banque centrale européenne, et le Fonds monétaire international devraient tendre vers une justice fiscale, mettre fin à la concurrence et à l’évasion fiscales et enfin – mais pas seulement – mettre en place une taxe sur les transactions financières. Au lieu de cela, ils appellent à des réformes structurelles, à des réductions des salaires minimum et des pensions et à des coupes dans les allocations de chômage. C’est injuste. C’est inefficace. Ce dont nous avons besoin, ce sont des investissements et des salaires décents pour une croissance durable.
La CES fera usage de sa force et de son influence pour provoquer un changement de cap. Aller au-delà de la crise de manière durable présuppose le rétablissement et le renforcement de mécanismes et de politiques qui contribuent à réduire les diverses formes d’inégalité sociale et à renverser la tendance à une concentration excessive des richesses.
La CES soutient une Union européenne qui défend les emplois de qualité, les salaires décents, le progrès social et la justice sociale. Nous sommes opposés au démantèlement de notre modèle social qui est une référence et une inspiration pour les travailleurs dans le reste du monde.
Le CES a un projet social pour l’Europe. Alors que des discussions sont en cours au sujet d’une nouvelle convention, voire d’un nouveau Traité, les responsables doivent réaliser que nous sommes sérieux lorsque nous exigeons que priorité soit donnée aux droits sociaux par rapport aux libertés économiques.
Bernadette Ségol, Secrétaire générale de la CES Ignacio Fernández Toxo, Président de la CES
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