Le gouvernement a déposé un projet de loi inacceptable qui, s’il devait être voté par la Chambre des députés, détériorera drastiquement la protection de la sphère privée et des droits individuels des salariés.
Pour rappel, le droit du travail luxembourgeois autorise une surveillance sur le lieu de travail, uniquement dans des cas clairement définis. L’article L.261-1 du droit du travail règle la récolte et le traitement de données sur le lieu de travail. La loi les limite aux fins suivantes: les besoins de santé et de sécurité des salariés, la protection des biens de l’entreprise, la surveillance des processus de production portant uniquement sur les machines, la surveillance dans une durée limitée des performances du salarié sous condition que celle-ci soit indispensable pour l’établissement exacte du salaire, ainsi que le relevé de données dans le cadre d’une organisation du travail selon l’horaire mobile. Par ailleurs, la collecte et le traitement de données sont soumis dans les entreprises de plus de 150 salariés à la cogestion.
La loi actuelle (toujours en vigueur) sur la protection des données oblige tout employeur qui souhaite introduire une surveillance de données, à demander une autorisation à cet effet auprès de la Commission nationale pour la protection des données (CNPD). L’employeur ne peut mettre en pratique la surveillance visée qu’après en avoir reçu l’autorisation.
Aussi bien les dispositions du droit du travail que ceux relevant de la loi générale relative à la protection des données sont d’une importance primordiale pour la protection de la sphère privée et des droits individuels des salariés. Le gouvernement veut abolir cet important principe au profit du principe subalterne de la simplification administrative.
Le principe de précaution, en l’occurrence, l’autorisation préalable de la Commission nationale pour la protection des données, devrait être abolie et remplacée par une procédure consistant en une simple notification. Cette détérioration gravissime de la protection légale en matière de données et de surveillance va ouvrir grandes les portes aux abus et miner l’application dans la pratique des mesures de protection relevant du droit du travail. L’équilibre entre les intérêts légitimes d’une entreprise et le droit des salariés à la protection de leur sphère privée sur leur lieu de travail va être fortement altérée aux dépens des salariés.
L’autorisation préalable par la Commission nationale pour la protection des données (CNPD) permet tout particulièrement d’estimer les conditions concrètes de surveillance, par exemple d’une vidéosurveillance: la surveillance est-elle permanente (ce qui est interdit) ou seulement ponctuelle? Dans quelle mesure la sphère privée du salarié est-elle affectée? Pendant combien de temps les données récoltées sont-elles stockées?
L’abandon du principe de précaution signifierait concrètement que ces questions ne seraient pas réglées au préalable et que l’employeur, surtout dans les entreprises dans lesquelles une décision commune du comité mixte n’est pas nécessaire, pourrait passer outre les différentes restrictions existantes, tout particulièrement en matière de surveillance à plein temps des salariés, en matière d’enregistrements sonores et de non-effacement des données récoltées. La seule possibilité qui resterait au salarié, même dans le cas d’une atteinte directe à ses droits et libertés fondamentales, consisterait à citer en justice son employeur pour non-respect de ces restrictions. Quel salarié serait disposé à le faire?
La situation est claire. S’il est adopté, le projet de loi du gouvernement va avoir des conséquences très graves sur la protection de la sphère privée des salariés. Le projet de loi est en totale contradiction avec l’intention initiale de la loi relative à la protection des données, à savoir, justement, de garantir la protection des droits et libertés des individus et de tracer des limites claires à une surveillance non-justifiée.
Alors que la surveillance s’accroit dans tous les domaines de la vie et que par là, la sphère privée se restreint de plus en plus, ce serait assurément une erreur de mettre l’accent sur la «simplification administrative» dans le domaine de la protection des données. Au contraire, il est nécessaire de renforcer les moyens de contrôle et de sanction de la Commission nationale pour la protection des données.
Dans le cadre de «l’étude Rifkin», le gouvernement a présenté la digitalisation de l’économie et de la société comme une «révolution» pour le bien et dans l‘intérêt des femmes et des hommes. Une dégradation de la protection des données va cependant dans le sens inverse.
Pour cette raison, l’OGBL demande avec insistance au gouvernement de retirer son projet de loi relatif à la protection des données. L’autorisation préalable dans tous les domaines, notamment celle en relation avec la surveillance sur le lieu de travail, doit être conservée.
Communiqué par l‘OGBL le 24 novembre 2016
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