Le ministre de l’Education nationale, Claude Meisch, vient de présenter son projet de loi visant à augmenter l’âge de la scolarité obligatoire de 16 à 18 ans comme moyen de lutte contre le décrochage scolaire et de réconciliation entre les jeunes et l’école. Les jeunes, qui jusqu’ici quittaient l’école pour diverses raisons (personnelles, problèmes de santé, échec scolaire, renvoi, absence de contrat d’apprentissage, etc.), se verront donc désormais contraints de rester dans le cadre scolaire ou seront forcés d’intégrer des «lieux d’éducation alternatifs» jusqu’à l’âge fatidique de 18 ans.
Le département des Jeunes de l’OGBL (OGJ) est tout à fait convaincu qu’il faut se donner les moyens de lutter efficacement contre le décrochage scolaire, mais il s’interroge toutefois quant à la solution proposée par le ministre: l’extension de la scolarité jusqu’à 18 ans et la création de centres d’accueil constituent-elles vraiment de bons moyens pour lutter contre l’échec scolaire?
Réduction des libertés et des choix
Tout d’abord, l’OGJ rejette tout simplement le principe selon lequel les jeunes n’auraient dès lors plus le droit de prendre en main leur destin en décrochant un emploi avant l’âge de 18 ans ou en dehors du cadre de l’apprentissage. Jusqu’ici cette démarche permettait en effet aux jeunes concernés d’atteindre assez rapidement une autonomie et constituait en même temps une première expérience qui souvent les conduisait plus tard à réintégrer le milieu scolaire en vue de l’obtention d’un diplôme. Pour l’OGJ, il s’agit ici clairement d’une réduction des libertés et des choix des jeunes, puisque même ceux qui aujourd’hui exercent déjà une activité professionnelle sans avoir atteint l’âge de 18 ans, ne le pourront plus à l’avenir.
Solution au problème du décrochage scolaire ?
Pour l’OGJ, cette initiative relève davantage du pansement que du remède au problème du décrochage scolaire, car elle permet surtout d’assainir les mauvais chiffres en matière de décrochage. L’OGJ craint que le fait de contraindre les jeunes en difficultés à suivre un accompagnement, sans considérations quant à sa qualité, revient surtout à dégager le ministre de l’Education de sa responsabilité en la matière. Ainsi, suivant la logique du dispositif telle qu’elle a été présentée, on estimera que les jeunes concernés auront été accompagnés et que la mission scolaire ainsi que les objectifs de l’enseignement auront été réalisés, même si cela est très éloigné de la réalité. D’autant plus qu’on ne peut pas considérer que ce dispositif est assimilable à un apprentissage donnant accès à un diplôme comme semble pourtant le faire croire le ministre. Ces mesures d’accompagnement ne peuvent en aucun cas être considérées comme un apprentissage au sens légal du terme.
L’apprentissage en déroute ?
L’apprentissage constitue aujourd’hui le maillon faible de l’enseignement luxembourgeois. L’OGJ constate que l’offre de formations professionnelles est insuffisante en raison d’un manque de formateurs et/ou d’entreprises d’accueil. Les formations d’apprentissage choisies pour les jeunes ne correspondent pas toujours aux aspirations ou aux attentes. À cela s’ajoute un manque ressenti par les jeunes en ce qui concerne les formations scolaires adaptées à leurs besoins. Cette combinaison de facteurs engendre des échecs. Le problème existant de la formation initiale n’est toujours pas solutionné — il est ignoré bien qu’il soit une des sources principales de l’échec scolaire.
Garderie pour jeunes ?
Que dire des «lieux d’éducation alternatifs» qui sont censés accueillir les jeunes ne voulant plus faire partie du système scolaire traditionnel ou contraints d’en être exclus? Ces lieux s’inspirent d’ASBL et d’ateliers protégés réservés aux personnes à besoins spécifiques ou handicapées. Ces centres offrent tout sauf un environnement scolaire ou d’apprentissage. Aucune garantie n’est également fournie quant à la formation et l’encadrement proposés puisque ces centres ne peuvent pas proposer des formations et aboutir à des diplômes reconnus. Ce point reste une grande incohérence du projet.
Par ailleurs, ce cadre s’éloigne profondément des objectifs et des valeurs que porte l’enseignement luxembourgeois. Ce constat pousse l’OGJ à considérer ces centres, dans le meilleur des cas comme relevant d’une mesure d’occupation temporaire avant un départ «retardé» des jeunes concernés ou une potentielle réorientation et dans le pire des cas comme équivalent à une garderie pour jeunes. L’objectif scolaire plébiscité par le ministère, semble, dans tous les cas ne pas être atteint.
Communiqué par le département des Jeunes de l’OGBL (OGJ) le 23 février 2022
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