Paulette Lenert, Sam Tanson, Marc Baum et Sven Clement: une forte coalition pour les droits humains

Les “Spëtzekandidaten” en comparaison au niveau « droits humains et entreprises »

Malgré l’excellente étude de Dr. Başak Bağlayan mandatée par le Ministère des Affaires étrangères (conformément au programme de coalition) et le constat qu’une législation nationale efficace est réalisable, le gouvernement sortant n’a pas voulu prendre ses responsabilités comme cela a été fait dans les pays voisins (France et Allemagne). Au lieu d’entamer un vrai processus de responsabilisation des entreprises, le Ministère des Affaires étrangères a préféré lancer un Pacte volontaire ensemble avec l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL). Ce Pacte national n’est rien d’autre que du social- and greenwashing à ce stade. L’Initiative pour un devoir de vigilance (IDV) composée de 17 organisations de la société civile a adressé aux “Spëtzekandidaten” des partis politiques un questionnaire. Ce questionnaire a appelé les candidats tête de liste dont les partis politiques se sont exprimés pendant la période législative à se prononcer avec des déclarations claires et sans ambiguïté au niveau d’une législation future au Luxembourg en matière droits humains et entreprises.

Les questions aux « Spëtzekandidaten »

Le questionnaire aux « Spëtzekandidaten » a pris en compte deux scénarios différents aboutissant pourtant tous les deux à une législation nationale.

Dans la perspective d’une prise de responsabilité de votre part au niveau d’un prochain gouvernement, vous engagez-vous à concrétiser les défis suivants au niveau d’un devoir de vigilance en matière de droits humains, de l’environnement et du climat ?

Si le trilogue échouerait au niveau de l’élaboration d’une directive européenne, est-ce que vous êtes en faveur de l’élaboration et l’adoption d’une loi nationale en ligne avec les standards internationaux en matière de devoir de vigilance des entreprises comme il en existe dans nos pays voisins comme la France et l’Allemagne ?

  1. Si une directive européenne est finalisée au niveau de l’UE, quels défis êtes-vous prêts à relever au niveau d’un devoir de vigilance en matière de droits humains, de l’environnement et du climat lors d’une transposition de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité dans la législation nationale ?

Les candidats tête de liste Paulette Lenert, Sam Tanson, Marc Baum, Sven Clément et Luc Frieden ont répondu au questionnaire ; pour le DP Lex Delles a répondu à la place de Xavier Bettel et Fred Keup (ADR) n’a pas donné de réponses. A noter que la position sur certains points de l’ADR est connue à la suite de leurs déclarations dans d’autres contextes.

Les résultats permettent de tirer certaines conclusions importantes pour déterminer qui est prêt à prendre quelles responsabilités en matière droits humains et entreprises.

SCENARIO 1 : échec des négociations pour une directive au niveau de l’UE

Ce scénario reste malheureusement une possibilité car certains milieux politiques et surtout économiques misent sur un échec des négociations au niveau de l’Union européenne.

Qu’est-ce que Luc Frieden, Lex Delles et Fred Keup ont en commun ?

L’étude sur la possibilité de légiférer en matière droits humains et entreprises mandaté par le gouvernement a donné un résultat clair et sans ambiguïté. Mais les travaux au sein du comité interministériel ont éternellement duré à cause de certaines tensions entre les ministères impliqués.

À la question qui serait en faveur d’une législation nationale si le projet de directive échouerait, posée aux « Spëtzekandidaten » des trois partis politiques du gouvernement actuel, Sam Tanson ( déi gréng) et Paulette Lenert (LSAP) sont pour une législation au Luxembourg comme elle a été introduite dans nos pays voisins. Seul Lex Delles (DP) se déclare contre une telle législation. On voit donc également qui s’est opposé le plus à un avancement pendant cette période législative.

Les « Spetzekandidaten » Marc Baum et Sven Clement se déclarent également pour une législation nationale. Luc Frieden (CSV) comme le « Spëtzekandidat » du DP s’oppose contre une législation nationale. En ce qui concerne le représentant de l’ADR qui n’a pas répondu au questionnaire, la position du parti est connue : l’ADR est contre toute législation nationale qui responsabiliserait les entreprises au niveau des droits humains.

SCENARIO 2 : transposition d’une directive européenne dans la législation nationale au Luxembourg

Si la « corporate sustainability due diligence directive » sera adapté au niveau européen, alors une transposition dans la législation nationale devra se faire. A savoir que les états-membres de l’Union européenne – dont le Luxembourg – pourront aussi aller au-delà de la directive dans certains domaines.

Paulette Lenert, Sam Tanson, Marc Baum et Sven Clement aux côtés des victimes

Il faut noter qu’en comparaison avec la position d’autres pays membres de l’UE, l’engagement aux côtés des victimes est un des points les plus positifs du gouvernement actuel dans les négociations à Bruxelles sur une directive.

Qui est pour le renversement de la charge de la preuve en faveur des victimes de violations des droits humains pour assurer un accès effectif à la justice ? A cette position de Sam Tanson qui est actuellement ministre de la justice se sont joints les « Spëtzekandidaten » Marc Baum, Sven Clement et Paulette Lenert alors que Lex Delles et Luc Frieden sont contre un renversement de la charge de la preuve en faveur des victimes.

A noter que sur un deuxième aspect, il y a une unanimité parmi les « Spëtzekandidaten » ayant participé au questionnaire : à la question qui serait « pour que les juridictions soient en mesure d’ordonner que des éléments de preuve relevant du contrôle de l’entreprise soient divulgués par l’entreprise conformément au droit procédural national, sous réserve des règles de l’Union et des règles nationales en matière de confidentialité et de proportionnalité », ils répondent toutes et tous avec un « Oui ».

Luc Frieden pour une responsabilisation de tout le secteur financier – Lex Delles contre

En ce qui concerne la responsabilisation de tout le secteur financier et notamment la prise en compte des fonds d’investissement, il faut noter que la position du gouvernement actuel est en contradiction fondamentale avec les normes internationales et surtout les Principes directeurs des Nations Unies. A noter que le « United Nations Working Group on Business and Human Rights » est intervenu au niveau des discussions autour de cette directive et a pris position en juillet 2023 pour souligner que les principes directeurs des Nations Unies indiquent clairement que la responsabilité de respecter les droits humains s’applique pleinement à l’ensemble des institutions financières.

Comme il reste des défis majeurs à relever au niveau des fonds d’investissements et d’une responsabilité très limitée pour le secteur bancaire au niveau des Principes directeurs des N.U., cette question est d’une importance majeure si le Luxembourg veut vraiment être en accord avec les normes internationales ce qui est dans ce domaine manifestement pas le cas.

Il est à noter que Luc Frieden du CSV (ancien ministre des Finances) est comme Marc Baum, Sven Clement, Sam Tanson et Paulette Lenert pour une inclusion du secteur financier et notamment les fonds d’investissement au niveau d’une législation tout en prenant en compte les spécificités du secteur. Paulette Lenert note cependant qu’il faudrait analyser les risques concurrentiels et procéder ensuite par étapes.

Lex Delles motive son désaccord par le fait que les fonds d’investissements auraient uniquement la mission de gérer le patrimoine des investisseurs et que ces actifs seraient soumis aux dispositions de la directive.

Par conséquent, il faut noter que tous les « Spetzekandidaten » ayant participé au questionnaire sont pour une responsabilisation de tout le secteur financier, sauf le représentant du DP. Ceci reflète la position actuelle du ministère des Finances.

Quelles entreprises devraient être incluses au niveau d’une législation ?

Qui est pour une inclusion des entreprises à partir de 250 employés et un chiffre d’affaires de 40 millions et pour l’inclusion de toute la chaine de valeur des entreprises au niveau de la législation ?

A ces deux questions tous les « Spëtzekandidaten » ayant participé ont répondu par un « Oui » sauf que pour le seuil d’entreprises (250 employés et chiffre d’affaires) ou le « Spëtzekandidat » du DP n’a pas voulu répondre à ce stade.

(Presque) tous pour un devoir de vigilance en matière climat

À cette question tous les « Spëtzekandidaten » ayant participé au questionnaire ont répondu avec un « oui » sauf Lex Delles (DP) qui motive son abstention avec l’argument qu’il y a encore des discussions au niveau du trilogue dans l’UE et qu’il ne voudrait pas anticiper.

Paulette Lenert, Sam Tanson, Marc Baum et Sven Clement : une forte coalition pour les droits humains

En prenant en compte également la question d’une législation nationale en cas d’échec du trilogue il faut constater que les « Spëtzekandidaten » Marc Baum (déi lenk), Sven Clement (Piraten), Sam Tanson (déi gréng) et Paulette Lenert (LSAP) des partis politiques suivants seraient clairement le plus en conformité avec les normes internationales en droits humains et entreprises avec un « oui » sur les sept questions. Le « Spëtzekandidat » Luc Frieden du CSV témoigne également d’un engagement pour les droits humains et entreprises avec 5 réponses positives sur 7 questions. Lex Delles du DP s’est pourtant abstenu de répondre clairement à deux questions et a donné trois réponses négatives sur les 7 questions. Le candidat de l’ADR n’a pas participé au questionnaire mais son parti se déclare de manière générale en faveur des Principes directeurs des Nations Unies en matière droits humains et entreprises dans son programme électoral sans préciser pourtant des détails comme demandé dans notre questionnaire.

Dans ce contexte, il faut noter que les partis politiques et les gouvernements se déclarent en général toujours en faveur des Principes directeurs des Nations Unies mais n’hésitent pas à se mettre en opposition avec ces Principes dès qu’il s’agit d’introduire des mesures législatives concrètes. En effet, le gouvernement luxembourgeois actuel se déclare être aussi « pour un alignement aux normes et standards internationaux sur le devoir de vigilance ». Par contre, actuellement, le Luxembourg soutient un abaissement de la norme internationale en matière de conduite responsable des entreprises au niveau des négociations au niveau de l’Union européenne, surtout en ce qui concerne le secteur financier (on inclusion des fonds d’investissements).

L’Initiative pour un devoir de vigilance appelle les « Spëtzekandidaten » et leurs partis politiques à se positionner lors de négociations éventuelles d’une coalition pour un gouvernement prochain et de s’investir pour une conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies afin de :

  • respecter la volonté de 92% de la population résidente qui est en faveur d’adopter une loi nationale et mettre en place une législation nationale en conformité avec les normes internationales,
  • s’engager en parallèle au niveau de la proposition de directive « corporate sustainability due diligence » avec une position claire et transparente pour une législation efficace et renforcée,
  • assurer que l’Etat, les entreprises à participation étatiques et les organismes étatiques garantissent pleinement et immédiatement une conformité avec les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE relatifs aux entreprises et aux droits humains au niveau de leurs propres activités économiques.

Les victimes des violations des droits humains ne devront pas être oubliées lors de ces négociations et le respect des droits humains et l’engagement pour un développement durable devront désormais faire partie de l’ADN des entreprises au Luxembourg au 21e siècle.

Communiqué par l’Initiative pour un devoir de vigilance au Luxembourg,
le 21 septembre 2023