Editorial

Pour la démocratie et les droits et libertés syndicales!

André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL
André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL

La crise économique et financière n’a pas conduit à un changement de la mentalité politique en Europe.

La «Stratégie de Lisbonne» propagée au cours des dix années passées par la Commission européenne et les gouvernements européens n’a réalisé aucun de ses objectifs. Le chômage de masse a atteint des chiffres record, la pauvreté en Europe augmente et le projet de faire de l’Europe le plus important espace économique du monde, suscite tout au plus encore un faible sourire.

Le dit «Pacte de stabilité et de croissance», mis en œuvre afin d’éviter dans la zone Euro des déficits publics «excessifs» et un endettement trop lourd, frôle le ridicule après que dans toute l’Europe, les banqueroutiers de l’économie bancaire et financière, responsables pour la crise, aient été sauvés par l’argent public voire par de nouveaux endettements étatiques. Des fonds publics s’élevant à des milliards d’euros ont dû être mobilisés pour atténuer les effets sociaux catastrophiques de la crise économique et financière.

Tirer des leçons de la crise aurait dû être synonyme de renforcement de l’Europe sociale et synonyme de vouloir s’attaquer de manière offensive au défi de la répartition équitable des richesses créées entre le capital et le travail. Au lieu de recourir au dumping salarial et social, il importerait de stimuler la demande et le marché intérieur européen par une politique progressiste en matière des salaires, des revenus et des prestations sociales. Mais au lieu de «dégraisser» le néolibéralisme, comme le sommait brièvement au début de la crise le ministre d’Etat luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, la Commission européenne propose aujourd’hui juste le contraire.

On veut ajouter une dimension «macroéconomique» au «Pacte de stabilité et de croissance». Il s’agit de soumettre encore davantage les politiques budgétaires et économiques des Etats membres aux règles de l’économie libérale, au diktat capitaliste du profit. Il n’y va pas seulement de la souveraineté démocratique des parlements nationaux. Comme la Commission européenne veut en plus presser les négociations collectives syndicales dans un corset rigide de lignes de conduite concernant la politique salariale, elle attaque en même temps les droits syndicaux élémentaires en Europe.

La Confédération européenne des syndicats et l’OGBL rejettent avec véhémence cette attaque contre l’autonomie tarifaire et les négociations collectives. Et que font les gouvernements européens?

La chancelière allemande Merkel et le président français Sarkozy en ont donné récemment un avant-goût quand ils revendiquaient entre autres l’abolition des systèmes d’indexation des salaires. Le ministre d’Etat, Jean-Claude Juncker, a réagi promptement et dans le bon sens en refusant cette proposition. L’OGBL a salué cette opposition. Mais cela ne suffit pas. L’OGBL lance en même temps un appel au gouvernement luxembourgeois et à tous les partis politiques de se prononcer tout aussi clairement contre les projets bruxellois de lignes de conduite en matière salariale et de pension et contre la restriction de l’autonomie tarifaire syndicale. Les droits syndicaux sont des droits et libertés élémentaires. Sans eux, il n’y a pas de dialogue social dans notre société.

Et ceci vaut également pour le dialogue social au Luxembourg. 2011 doit devenir l’année de réforme de la législation sur la cogestion dans les entreprises. La législation en vigueur est désespérément obsolète. Et cela ne date pas d’hier. Comment les représentants élus des salariés – dans les délégations du personnel, dans les comités mixtes d’entreprise et dans les conseils d’administration – peuvent-ils faire un travail sérieux, s’ils doivent suivre les dispositions d’une législation du siècle passé? Le monde moderne des entreprises a besoin d’une cogestion moderne. Si celle-ci est refusée aux salariés, si les lois obsolètes ne sont pas remplacées par de nouvelles lois, cela revient à amputer les salariés de leur droit à une bonne représentation de leurs intérêts dans les entreprises. Il est du devoir du gouvernement de ne pas laisser dépérir le dialogue social dans les entreprises. Il faut rétablir la démocratie dans les entreprises, la renforcer même! L’OGBL demande avec insistance au gouvernement d’agir immédiatement. Une réformette ne fera pas l’affaire !