Suite au débat public, en janvier dernier, de la pétition «2 jours de télétravail par semaine pour tous», qui avait recueilli pas moins de 13 892 signatures valides, l’OGBL a été convoqué le 9 février à une audition dans le cadre d’une réunion de la sous-commission «télétravail» de la Chambre des députés. L’OGBL, qui y était représenté par Frédéric Krier et Jean-Luc De Matteis, a profité de l’occasion pour exposer ses points de vue quant aux différents aspects liés au télétravail.
Il est certain que l’utilisation du télétravail continuera désormais à être bien plus importante qu’avant la crise sanitaire. Dans de nombreux secteurs, la possibilité de recourir au télétravail est vue comme un avantage non négligeable, en particulier en raison des embouteillages que nous connaissons au Luxembourg aux heures de pointe. Le télétravail permet de gagner du temps de vie en permettant de se rendre au travail sans perdre des heures dans des bouchons ou dans des trains bondés et souvent en retard. Potentiellement, un recours plus massif au télétravail pourrait aider à décongestionner les routes et aussi à atteindre un meilleur bilan en terme d’émissions de CO2.
Néanmoins, il ne faut pas oublier — et l’OGBL l’a clairement souligné lors de l’audition à la Chambre des députés — que près de la moitié des emplois, par leur nature même, ne sont pas «télétravaillables». Ainsi, ce fait ne doit pas être négligé lorsqu’on revendique «2 jours de télétravail pour tous». Il faut au contraire faire attention à ne pas créer un clivage entre les personnes qui peuvent faire du télétravail dans le cadre de leur fonction et les personnes pour lesquelles cela n’est pas possible.
L’OGBL a également estimé qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre une nouvelle loi «télétravail», sachant qu’un accord interprofessionnel entre les syndicats nationalement représentatifs (OGBL et LCGB) et l’union des employeurs (UEL) a été signé le 20 octobre 2020 et déclaré d’obligation générale par le règlement grand-ducal du 22 janvier 2021. Cet accord règle non seulement le télétravail d’une manière plus flexible que l’accord précédent, mais il est aussi le premier accord de ce type entre partenaires sociaux, où des droits de codécision supplémentaires avec la délégation du personnel sont introduits.
Si cet accord ne couvre pas les fonctionnaires et employés de l’Etat, il faut savoir qu’un projet de loi visant à régler le télétravail dans la Fonction publique et s’inspirant dans ses grandes lignes de l’accord interprofessionnel, est actuellement en discussion à la Chambre des députés
Cela n’empêche que certaines adaptations législatives ponctuelles sont encore à prévoir. Ainsi l’accord interprofessionnel demandait au législateur d’intégrer la dimension du télétravail dans la législation sur la sécurité et la santé au travail.
Si l’accord du 20 octobre 2020 prévoit que le matériel de travail, en particulier informatique, est à la charge de l’employeur en cas de télétravail régulier, le salarié concerné peut néanmoins avoir des coûts supplémentaires liés à son poste de travail à domicile, notamment l’aménagement d’un bureau etc. A cet égard, il y a lieu de prendre en compte ces frais comme des dépenses déductibles au niveau fiscal, comme frais d’obtention. Il faut d’ailleurs, de toute façon, et pas seulement pour les télétravailleurs, augmenter le minimum forfaitaire de 540 euros pour la déduction des frais d’obtention, sachant que ce minimum n’a plus été adapté depuis les années 1990. Au regard de l’inflation subie depuis la dernière adaptation, il faudrait au moins doubler ce montant.
Enfin, il faut aussi assurer que les syndicats puissent transmettre leurs informations à tous les salariés, y compris à ceux qui prestent du télétravail. En ce sens, il faut modifier l’article 414-16 du Code du travail, qui a introduit le droit de la délégation du personnel d’utiliser tous les moyens de communication disponibles dans l’entreprise, donc aussi les moyens électroniques, pour communiquer avec le personnel. Le même article exclut en effet explicitement les communications de nature syndicale de cette disposition. Si les délégués élus sur des listes syndicales souhaitent partager des informations de leur syndicat avec le personnel ou les informer sur des activités syndicales, ils ne peuvent le faire, en absence d’un accord avec le patron, que sur papier, en utilisant un tableau d’affichage etc. Or, cela veut dire que bon nombre de salariés qui ne passent pas forcément par le siège de l’entreprise, et notamment les télétravailleurs, ne peuvent pas recevoir les informations syndicales. Cette disposition discriminatoire et antisyndicale doit être levée et toutes les communications de la délégation traitées de la même manière.
Enfin, le point le plus important concernant le cadre réglementaire du télétravail demeure la question de la réglementation transfrontalière en matière fiscale et de sécurité sociale. Il faut adapter ces règles pour permettre aux frontaliers de pouvoir également faire du télétravail, sans qu’ils n’aient à craindre un impact fiscal majeur, voire une désaffiliation à la sécurité sociale.
L’OGBL s’est déjà engagé avant la pandémie pour une harmonisation vers le haut des différents seuils de tolérance prévus au niveau fiscal dans la Grande Région (Belgique et France: désormais 34 jours; Allemagne: toujours que 19 jours). Il y a lieu aussi de mettre un terme à la discrimination envers les fonctionnaires, mais également envers les salariés des établissements publics. Le dernier avenant avec la France prévoit désormais une égalité de traitement pour tous les travailleurs, mais en Allemagne ces derniers continuent à être imposés sur leur lieu de résidence dès le premier jour de télétravail.
Idéalement, il faudrait un seul et même seuil au niveau de la fiscalité et de la sécurité sociale, c’est-à-dire à l’heure actuelle 25 %. L’OGBL ne se ferme par ailleurs pas aux discussions en cours au niveau européen pour porter le seuil prévu au niveau de la sécurité sociale à 40 % du temps de travail annuel, sous réserve toutefois que ce seuil plus élevé ne concerne que les heures prestées en télétravail et non d’autres prestations de travail. L’objectif est de permettre un accès plus large au télétravail et non de favoriser le dumping social en contournant les règles en matière de détachement.
Un seuil de 40 % au niveau de la sécurité sociale comme au niveau fiscal permettrait ainsi à tous les frontaliers, dont le poste de travail est télétravaillable, de prester jusqu’à deux jours de télétravail par semaine, sans que cela ait des répercussions sur leur charge fiscale et leur affiliation à la sécurité sociale.
L’OGBL espère que le gouvernement luxembourgeois défendra cette position dans les discussions bilatérales avec les pays voisins et au niveau de l’Union européenne.
Frédéric Krier membre du Bureau exécutif
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