Interview : Quo Vadis Aleba ?

Au Luxembourg, la défense des intérêts des salariés est au centre des préoccupations d’ici aux élections sociales en mars de l’année prochaine. Dans ce contexte, le syndicat Aleba a suscité quelques controverses ces dernières années.

Nous nous sommes entretenus avec Sylvie REUTER, la secrétaire centrale de l’OGBL Secteur Financier.

Qu’est-ce qui a fait tomber l’Aleba en disgrâce dans les milieux syndicaux ? Quelle est la position de l’OGBL à ce sujet ?

Dans le passé, l’Aleba a enfreint la loi luxembourgeoise sur les conventions collectives et c’est pourquoi la représentativité sectorielle lui a été retirée. La loi luxembourgeoise sur les conventions collectives stipule que les négociations conventionnelles ne peuvent pas avoir lieu sans l’OGBL et le LCGB. Madame REUTER souligne que la représentation des salariés du secteur financier dans son entièreté, ne doit pas non plus être bafouée ou fragilisée.
Madame REUTER souligne que l’Aleba n’est pas discriminée de tous côtés. Au contraire, elle se serait mise elle-même dans cette situation en signant un accord toute seule et sans consultation des deux syndicats représentatifs au niveau national. Selon cet accord, les travailleurs du secteur financier devaient renoncer à des augmentations de salaire et à d’autres améliorations malgré des bénéfices records. L’Aleba n’a pas répondu aux appels pressants de l’OGBL et a refusé d’agir dans l’intérêt des salariés. La représentativité sectorielle lui a alors été retirée.

Ce n’est qu’alors que l’OGBL a pu obtenir de véritables négociations. Elles ont permis d’obtenir des améliorations qualitatives telles que le droit à la déconnexion, des congés sociaux pouvant aller jusqu’à 5 jours par an, plus de congés pour certains groupes, plus de droits de participation, l’obligation de négocier des comptes épargne-temps, l’obligation d’accorder des formations continues et aucune mesure de sanction sur la base de l’évaluation annuelle. Dans les banques, une amélioration salariale linéaire de 0,7 % pour 2022 et de 0,5 % pour 2023 a été obtenue. Dans la CCT des assurances, des augmentations substantielles ont été accordées dans les barèmes salariaux. Il ne faut pas oublier le rétablissement du mécanisme de l’indexation sans distinction de salaire.

L’Aleba a saisi la justice pour le retrait de sa représentativité sectorielle. Quelle est la situation actuelle ?

Le référé n’a pas retenu le recours de l’Aleba. Et, le tribunal administratif, qui a prononcé son jugement quant au fond a également rejeté les reproches de l’Aleba un par un. Celle-ci a donc déjà perdu dans les deux instances.

L’Aleba ne cesse d’invoquer l’Organisation Internationale du Travail (OIT). A-t-elle raison ?
Non, répond Mme REUTER. L’OIT dit simplement qu’il faut veiller légalement à ce que les associations qui représentent les salariés puissent exercer ce droit. Jusqu’à présent, cela a été largement garanti par la législation existante. L’Aleba avait toujours sa place à la table des négociations, même si l’on ne sait pas très bien de quel côté elle se trouve.

Que va-t-il se passer maintenant ?

L’Aleba a annoncé vouloir agir à l’avenir dans tous les secteurs économiques afin de devenir un syndicat représentatif au niveau national. Pour ce faire, elle devrait obtenir plus de 20 % dans tous les secteurs économiques lors des élections à la Chambre des salariés (CSL). Outre le fait que cet objectif semble peu réaliste, il prouve une fois de plus que leur propres intérêts priment sur les intérêts des travailleurs du secteur financier. Celui-ci semble n’être que secondaire pour lui. Au lieu de se concentrer davantage sur le secteur, dans lequel il a tout de même perdu sa majorité lors des dernières élections, il veut maintenant s’activer partout.

L’OGBL Secteur Financier continuera à se concentrer sur les intérêts des salariés du secteur financier, à les défendre et à les représenter. Il fera tout pour que les salariés du secteur financier restent au premier plan. Dans un monde financier en mutation permanente et souvent dirigé par des sociétés mères étrangères, des compétences interprofessionnelles sont nécessaires. En tant que garant du dialogue social et d’un droit de parole d’égal à égal, l’OGBL fera tout pour que les salariés du secteur financier continuent à être représentés de manière adéquate.

Pourquoi est-il utile et nécessaire d’être représenté par le syndicat majoritaire et national, tel que l’OGBL ?

Les employés du secteur financier ont des défis et des intérêts uniques, plus spécifiques que ceux d’autres industries. Un syndicat national et aussi spécialisé dans le secteur de la finance peut mieux se concentrer sur ces défis et défendre les intérêts des travailleurs de ce secteur. Un syndicat national actif dans le secteur financier peut également se faire mieux entendre des employeurs et du gouvernement. Il peut mener des négociations et des campagnes au niveau national et plaider en faveur de meilleures conditions de travail, de salaires et d’avantages sociaux pour les salariés.

En outre, l’OGBL peut également promouvoir une meilleure solidarité et un meilleur soutien entre les employés. Le secteur financier étant souvent mondialisé, les syndicats nationaux peuvent contribuer à promouvoir la coopération et l’échange d’informations entre les travailleurs de différents pays.

Dans l’ensemble, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les salariés du secteur financier ont besoin de l’OGBL pour représenter leurs intérêts et leurs besoins et se faire entendre plus fort dans le secteur.