Les organisations syndicales OGBL et LCGB ont appris avec stupéfaction, par le biais, d’un communiqué de presse, que sur initiative unilatérale de l’Aleba, les associations patronales ABBL et ACA ont accepté de reconduire les conventions collectives en vigueur, ceci pour une durée de trois ans.
À aucun moment, les syndicats à représentativité nationale, l’OGBL et le LCGB, signataires des deux conventions, n’ont été informés, ni par l’Aleba, ni par l’ABBL, ni par l’ACA, de leur volonté de renouveler les conventions collectives existantes. En d’autres mots, les syndicats à représentativité nationale n’ont même pas été invités aux négociations. Sachez que la législation luxembourgeoise définit un ensemble de règles relatives aux Conventions Collectives, dont une qui précise que les négociations ne peuvent être entamées sans les signataires de la convention en vigueur !
Mais pourquoi donc cette action ?
Nous vivons dans un monde qui ne semble se définir qu’à travers sa dimension économique et le culte de la croissance et de la productivité, ceci dans un monde globalisé où la concurrence est le moteur de tout.
Dans un contexte de mise en question récurrente des acquis sociaux, il en résulte une pression sans cesse sur le personnel du secteur. Il est donc impératif que le personnel reste uni pour défendre ses droits.
L’antagonisme entre les intérêts des employeurs et de leurs salariés restera une constante qui impose aux salariés de se battre sans relâche afin que leurs droits et acquis ne se diluent pas au fil du temps.
Si cette solidarité est nécessaire dans le chef des salariés, elle devrait, à la base, être de rigueur pour les syndicats. Ceci malgré les points de vue divergents que les syndicats peuvent avoir par moments.
Il est regrettable de constater qu’à nouveau l’Aleba a enfreint ce postulat pourtant élémentaire : se battre pour les intérêts des salariés.
Pourquoi ce rôle de cavalier seul de l’Aleba face à l’ABBL et l’ACA ?
Pour l’OGBL et le LCGB, un syndicat doit se battre et éviter toutes formes de compromis malsains qui ne reflètent que le plus petit dénominateur commun. Dans un tel cadre de réflexion, l’action de l’Aleba ne peut être qualifiée que de pur opportunisme et ne peut donc que nuire gravement aux intérêts des salariés.
Il faut vraiment se poser la question pour quelle partie prenante l’Aleba finalement se bat ?
Pouvons-nous encore parler d’un vrai travail syndical pour les intérêts des salariés ou n’est-ce pas plutôt une collaboration mal ficelée avec les employeurs du secteur ?
Depuis plus d’un an et jusqu’au mois de septembre 2020, les trois syndicats – l’Aleba, l’OGBL et le LCGB – ont étroitement collaboré dans le but de définir ensemble les points critiques à thématiser lors des négociations de la future convention collective des banques.
Pourquoi ce « volte-face » de l’Aleba ? Pourquoi tout à coup ne plus vouloir négocier les sujets phares sur lesquels l’Aleba, l’OGBL et le LCGB s’étaient mis d’accord?
Pourquoi de nouveau collaborer, d’une façon à peine dissimulée, avec les organisations patronales pour défendre les seuls intérêts de ces derniers?
Depuis des décennies, lors du renouvellement des CCT, le mantra des associations patronales est resté le même :
Cette surenchère dont le dialogue est parfois pénible, reste une constante avec laquelle nous devons malheureusement vivre. Force est de constater qu’après 3 décennies d’environnement économique apparemment extrêmement dangereux, les acteurs des secteurs de la banque et des assurances sont toujours là et continuent à se porter très bien. Ce qui est inacceptable pour une Association telle que l’Aleba, qui trouve sa raison d’être dans la défense des intérêts des salariés, c’est qu’elle se porte porte-parole de ce dialogue invariable et lassant.
Sachez pourtant que nous ne nions pas la réalité de plans de restructuration, qui reviennent avec une certaine récurrence, notamment dans les groupes internationaux. Les raisons de ces plans de restructuration sont souvent complexes et ne s’expliquent pas par des arguments simplistes qui se réfèrent exclusivement à des frais de personnel trop élevés et des considérations de productivité.
Sachant que les plans de restructuration, au sein des grands groupes, resteront une constante dans l’évolution du contexte économique européen et mondial, ne serait-ce pas déjà une raison suffisante pour se battre bec et ongles pour des mesures musclées de maintien dans l’emploi ?
Même si la pluralité d’opinions est tout à fait acceptée et respectée dans le monde syndical, cet opportunisme flagrant de l’Aleba nous a fortement choqué. Ce comportement est incompréhensible, inadmissible et profondément condamnable. Le goût de la collaboration passe mal.
L’OGBL et le LCGB veulent négocier des améliorations concrètes !
Les défis sont nombreux et des solutions existent.
Nous ne comprenons pas l’approche des trois « associés » Aleba, ABBL et ACA. Nous reconnaissons pourtant la stratégie « en vogue » de rendre COVID responsable de toutes les misères dans l’économie et d’appeler à la solidarité unilatérale des salariés afin qu’ils restent modestes dans leurs revendications pour éviter « le pire » au secteur.
Identifier et gérer les besoins futurs en main d’œuvre contribuerait favorablement à contenir la pénurie future en main-d’œuvre dont le patronat ne cesse de se plaindre depuis que le monde est monde. La disponibilité d’un vivier de salariés locaux, qualifiés et adéquatement formés, est le garant de la pérennité et de la sauvegarde de tous les aspects de la productivité dans le chef de l’entreprise.
La digitalisation et l’automatisation, qui sont intimement liées, révolutionnent une partie du monde du travail. Des métiers entiers sont en train de disparaître, tandis que d’autres sont créés. La réorientation d’une carrière et la formation professionnelle qui la rend possible, deviennent les grands défis du futur. Pour anticiper et prévenir ces situations, nous devons sécuriser les emplois, en passant par des formes innovatrices en matière d’aménagement du temps de travail ou par la négociation de plans de maintien de l’emploi au sein des entreprises.
Qu’en est-il de la santé des salariés et des risques psycho-sociaux – pas envie de les prendre en considération ?
Aujourd’hui, les maladies liées aux risques psycho-sociaux, telles que les dépressions et le « burnout » n’entrent pas dans la catégorie des maladies « rares ». Elles sont devenues le nouveau fléau du monde professionnel. La source des dépressions est souvent le stress au travail, qui se manifeste dans les formes les plus diverses.
Équilibre entre vie privée et vie professionnelle ?
Dans un monde largement dominé par les réseaux sociaux et le besoin d’être connecté sans interruption, il devient de plus en plus difficile d’ériger une séparation entre le professionnel et le privé afin que le travail ne déborde pas sur la vie privée. Relativiser la notion de temps de travail ne profite, pour le moment, qu’à l’employeur.
Chaque salarié a le droit à la déconnexion afin qu’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle s’établisse et que la fameuse « work-life balance » soit respectée.
Le « collectif » ne compte pas si on plaide pour la récompense « à la tête du client » !
Le concept du « collectif » doit regagner en importance et ne doit pas être sacrifié aux considérations strictement individuelles. L’instrument de la convention collective est l’outil essentiel en vue de préserver les intérêts de TOUS les salariés. Son mécanisme doit rester intouchable.
Est-ce que l’intérêt collectif doit vraiment céder sa place à la performance individuelle de l’individu, sachant que la notion de performance est une notion strictement subjective et donc forcément laissée à la merci du seul pouvoir discrétionnaire de l’employeur ?
Au lieu de faire « cavalier seul », qu’est-ce qui est important en ce moment ?
La sécurité de l’emploi, la préservation des droits acquis, l’importance du collectif qui prime sur l’individuel et la participation des salariés aux performances financières de leur entreprise restent les axes principaux de notre travail syndical.
Pour l’OGBL et le LCGB, il est hors question que les négociations des contrats collectifs ne se réduisent qu’à la seule garantie du paiement de la prime de fidélité, respectivement de la prime de conjoncture.
Les sujets du bien-être au travail, de la sécurité, de la santé ainsi que l’amélioration des conditions de travail et de salaires, resteront autant aujourd’hui, que sur le long terme, la colonne vertébrale de notre travail syndical.
C’est à l’existence de ces sujets éternels que nous devons notre raison d’être en tant qu’organisations syndicales. Nous ne devons jamais oublier ces priorités et surtout nous ne devons pas les sacrifier sur l’autel de conflits profondément malsains entre associations et organisations syndicales.
Et tout à coup le revirement de l’ABBL et de l’ACA !
Deux jours après l’annonce de l’accord entre l’Aleba et l’ABBL, cette dernière dénonce, à notre grande surprise, la convention collective en vigueur.
Le 19 novembre, l’ACA dénonce à son tour la convention collective des assurances.
Aurait-on constaté qu’il sera impossible de communiquer vers l’extérieur que l’Aleba, suivant la voix de son maître, aurait bafoué toutes les règles juridiques élémentaires qui ne sauraient tenir devant aucune instance juridique ?
Est-ce que l’ABBL et l’ACA se sont rendues compte que leur poulain Aleba aurait encore une fois dégainé trop vite en ne se rendant simplement pas compte qu’ils n’ont pas le droit de signer une convention collective en cavalier seul.
Leur dénonciation en question du contrat collectif était suivie de la soumission de leur part d’un catalogue de revendications. Que ces revendications soient strictement identiques à l’accord officieux trouvé entre l’Aleba, l’ABBL et l’ACA nous laissent perplexe et ne demandent pas de commentaires supplémentaires de notre part.
En tant que syndicat disposant d’une représentativité nationale, l’OGBL et le LCGB se distancent fermement de ce corporatisme extrêmement irritant entre employeurs et association syndicale sectorielle.
L’OGBL et le LCGB prendront leurs responsabilités respectives et ceci conformément aux décisions validées par leurs instances statutaires. Ils dénonceront à leur tour, dans les formes et délais légaux, les deux conventions collectives en question et soumettront un catalogue de revendications axé sur le maintien de l’emploi, les améliorations qualitatives des conditions de travail et le bien-être des salariés.
Nous sommes curieux de voir de quel côté de la commission de négociation l’Aleba va se ranger. Dans toute logique, elle devrait rejoindre le côté patronal, du fait que l’organisation syndicale Aleba et le patronat (ABBL et ACA) dispose d’un catalogue de revendications commun et donc d’un accord officieux.
L’OGBL Secteur Financier et le LCGB-SESF, continueront à travailler de façon strictement indépendante du patronat et ceci dans le seul intérêt des salariés du secteur bancaire et des assurances.
Communiqué par le syndicat Secteur financier de l’OGBL le 20 novembre 2020
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