La Commission a présenté le 21 octobre un nouveau paquet sur le renforcement de Union économique et monétaire (UEM). Ce paquet concrétise la première phase d’achèvement de l’UEM, tel que présentée dans le rapport dit « des cinq présidents » (Les présidents de la Commission européenne, du Conseil, de l’Eurogroupe, de la Banque centrale européenne et du Parlement européen, consultable via ce Lien). Publié en juin, ce rapport formule des propositions pour approfondir l’UEM en trois phases à partir du 1er juillet 2015, et la parachever en 2025 au plus tard.
L’un des principaux éléments de la phase 1 du processus d’achèvement de l’UEM consiste en la création de « conseils nationaux de la compétitivité », mesure qui a fait l’objet d’une recommandation spécifique au Conseil, également publiée ce 21 octobre (Lien).
La Commission prévoit ainsi que des conseils de la compétitivité soient établis dans chaque Etat membre de la zone euro, et invitent les autres Etats membres de l’UE à en faire de même. Tout comme leur nom l’indique, ces conseils ont pour objectif le suivi de l’évolution de la compétitivité dans l’Etat membre concerné. Pour cela, ils tiendront compte de tous les facteurs « susceptibles d’influer à court terme sur les prix et la qualité des biens et des services », y compris les coûts de la main-d’œuvre, et compareront ces facteurs à ceux des concurrents mondiaux. Partant de là, ils formuleront des « conseils stratégiques pour la mise en œuvre de réformes » sensés améliorer la compétitivité des Etats membres.
Les syndicats OGBL et LCGB sont particulièrement inquiets de constater que ces conseils de la compétitivité disposent de compétences qui englobent la dynamique des salaires. Compte tenu du discours inflexible que tiennent depuis des années la Commission et les Etats membres sur l’austérité budgétaire et la compétitivité-coûts, les syndicats se font peu d’espoirs que les recommandations formulées par ces conseils soient d’ordre à renforcer la demande interne et le pouvoir d’achat, et à lutter contre les inégalités au sein de l’Europe par l’investissement et la croissance. Mais il est beaucoup plus probable que les recommandations des conseils se poursuivent sur la lancée de cette logique économique sous-jacente qui revient à envisager les salaires – ou plus précisément leur flexibilité à la baisse – comme la principale variable d’ajustement économique pour surmonter les déséquilibres économiques et favoriser la compétitivité.
La Commission tente de rassurer en affirmant que l’autonomie des partenaires sociaux et de négociation salariale ne sera pas remise en question. Néanmoins, il est à craindre que ces conseils de la compétitivité, formés par des experts assurés être indépendants et neutres, permettront à la Commission de continuer à accroître progressivement son emprise sur les politiques salariales nationales et les dispositions en matière de fixation des salaires.
L’OGBL et le LCGB déplorent que la mise en place de la dimension sociale soit toujours absente des nouvelles propositions de la Commission pour achever l’UEM. L’accent est mis presque exclusivement sur la stabilité budgétaire et la compétitivité (par les coûts) et ignore largement les préoccupations au sujet d’une croissance économique fondée sur des investissements sociaux, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et sur la cohésion sociale. Il est donc temps que la compétitivité économique soit enfin mise au service du progrès social !
Au vu de ces constations, l’OGBL et le LCGB demandent l’abandon de cette proposition qui restreint et complexifie le débat démocratique et néglige l’intégration de la dimension sociale. Les syndicats saluent la proposition de la Confédération européenne des syndicats (CES), de remplacer les conseils de la compétitivité par la mise en place de conseils pour le progrès social. Ces conseils analyseraient l’impact des recommandations par pays sur la pauvreté, l’inégalité et la précarité de l’emploi ainsi que l’état actuel d’un socle de normes et de droits sociaux, et prendraient en compte les facteurs en matière d’investissement, de demande interne, de productivité et de compétitivité qui stimulent la croissance économique. Basés sur un format tripartite, ils impliqueraient pleinement les partenaires sociaux dans la gouvernance économique ainsi que dans toutes les étapes du Semestre européen.
L’objectif que s’est posé la Commission d’achever l’UEM est louable et important en principe. Néanmoins, les mesures concrètes proposées pour achever celle-ci ne sont pas suffisantes et déséquilibrées. Le renforcement de la dimension sociale est indispensable pour garantir le soutien des opinions à l’intégration européenne et la légitimité démocratique de ce processus.
Communiqué par le secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB le 10 novembre 2015
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