Selon les chiffres de l’ADEM pour le mois d’avril 2020, le nombre de demandeurs d’emploi aurait augmenté de 4 800 unités — soit une augmentation de 31,1% — par rapport au mois d’avril 2019. Le taux de chômage s’élève ainsi désormais à 6,9%. Une telle croissance dépasse même celle observée durant la crise économique et financière de 2008. Nous ne sommes donc déjà plus face à une menace de chômage aigu, mais le chômage aigu est bien déjà là.
Ceci dit, comme le précise d’ailleurs l’ADEM, cette montée massive du chômage est jusqu’ici surtout due à la forte baisse de postes disponibles, plutôt qu’à des licenciements de masse. Il n’y a pour l’instant, en effet, pas eu de licenciements de masse principalement grâce à la décision, tout à fait adéquate, du gouvernement de faciliter et d’élargir le recours à l’instrument que représente le chômage partiel à presque tous les secteurs économiques. Sans cette décision, une augmentation bien plus importante encore du nombre de demandeurs d’emploi aurait sans doute été enregistrée.
Il faut donc veiller à ce que la fin projetée de cet accès élargi au chômage partiel ne conduise pas à une hausse encore plus importante des chiffres du chômage. Il faut tout faire pour éviter que davantage d’emplois ne soient perdus et qu’une crise sociale, d’une envergure que le pays n’a peut-être encore jamais connue, n’advienne.
Le gouvernement prévoit, dans son plan de «redémarrage» («Neistart fir Lëtzebuerg») un certain nombre de mesures. Il y est notamment question d’un régime spécial de chômage partiel structurel simplifié pour les secteurs les plus touchés par les fermetures (Horeca, événementiel, tourisme, centres de culture physique), avec des obligations de présenter un plan de redressement ou de négocier un plan de maintien dans l’emploi. Toutefois, il semble que le choix soit laissé aux entreprises.
Dans ce contexte, les entreprises en question bénéficieront d’aides visant à sauvegarder les emplois. Il leur sera toutefois permis de garder ces aides même si elles licencient jusqu’à un quart de leur personnel. Ceci n’est pas acceptable pour l’OGBL. Une réelle politique de maintien dans l’emploi doit viser la sauvegarde de tous les emplois et non pas à autoriser des licenciements. Chaque licenciement constitue un drame individuel qu’il faut absolument éviter.
Pour cette raison, l’OGBL préconise un recours facilité au chômage conjoncturel, d’ailleurs pas seulement pour les secteurs les plus touchés, mais pour tous les secteurs impactés par la crise sanitaire. D’autant plus que les difficultés que rencontrent les entreprises viennent de la diminution temporaire de leurs activités économiques au cours de la phase de confinement, et ne relèvent pas de problèmes d’ordre structurel.
Il faut également prévoir le maintien de la possibilité de prolonger le chômage partiel en cas de force majeure au-delà de la fin de l’état de crise pour certains secteurs qui restent impactés par les fermetures ordonnées par l’Etat.
L’OGBL salue toutefois le fait que le gouvernement prévoit de maintenir jusqu’à la fin de l’année le principe selon lequel l’indemnité pour chômage partiel ne peut pas être inférieure au salaire social minimum, même s’il préférerait évidemment que ce principe soit inscrit de manière définitive dans le Code du travail. A moyen terme, il y a lieu d’augmenter l’indemnité de chômage partiel à 100% du salaire (jusqu’au seuil actuel de 2,5x le SSM) afin d’éviter des pertes conséquentes de revenu si le chômage partiel venait à perdurer encore durant plusieurs mois.
A côté du chômage partiel, il faut constater que l’Etat prévoit également toutes sortes d’aides non remboursables pour garantir les liquidités des entreprises. L’OGBL ne s’oppose pas par principe à ces aides, mais il estime qu’il faudrait néanmoins les lier à certaines conditions, dont en particulier des conditions de garantie d’emploi et de revenu des salariés ainsi que de non-paiement de dividendes. En cas de non-respect de ces conditions, les entreprises devraient être obligées de rembourser les aides reçues.
De manière générale, l’OGBL rappelle qu’il y a lieu de réformer fondamentalement l’instrument que constitue le plan de maintien dans l’emploi, qui trop souvent n’est qu’un prologue à la négociation d’un plan social. Il y a lieu de renforcer les droits de négociation des syndicats à cet égard, de prévoir une réelle obligation de négocier pour l’employeur et d’instaurer une logique de prospection et de prévention pour éviter toute perte d’emploi, également à un niveau sectoriel (maintenir les salariés dont l’emploi est menacé dans le même secteur/la même branche).
De même, il faut également réformer les dispositions en matière de plan social, en particulier en augmentant les délais de négociation et en améliorant les possibilités d’action des syndicats, tout comme il faut améliorer les droits des salariés en cas de faillite de leur entreprise.
En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, le gouvernement a neutralisé la période relevant de l’état de crise pour le calcul de la période donnant droit au versement des indemnités de chômage. Ceci est une bonne mesure, mais, au regard de la baisse sensible de postes vacants, celle-ci risque encore d’être insuffisante. L’OGBL revendique par conséquent que la période au cours de laquelle l’indemnité de chômage continue d’être perçue puisse être prolongée jusqu’à 12 mois, en comptant à partir du 16 mars 2020.
Enfin, le meilleur moyen pour éviter une hausse continue du chômage dans les prochains mois reste une reprise rapide de la conjoncture économique. Pour cela, il faut surtout mettre l’accent sur un soutien conséquent de la demande intérieure et donc sur le maintien, voire le renforcement, du pouvoir d’achat des salariés, des pensionnés et de leurs familles.
L’OGBL salue à cet égard que le gouvernement ait décidé d’augmenter aussi bien l’allocation de vie chère que la subvention de loyer, ce qui répond à deux de ses revendications. Des efforts supplémentaires visant à renforcer le pouvoir d’achat des bas et moyens salaires demeurent toutefois nécessaires afin de revitaliser réellement la demande et ainsi relancer les activités économiques qui en dépendent.
Communiqué par l’OGBL le 29 mai 2020
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