Malgré les déclarations politiques des ministres des Finances des deux côtés de la frontière, la mise en œuvre par la France de la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise entraîne bel et bien une augmentation substantielle d’impôts pour les ménages frontaliers ayant des revenus mixtes!
En effet, malgré un premier avenant à la convention fiscale du 20 mars 2018 signé en 2019 par les deux pays, qui «garantissait» qu’il n’y aurait pas d’impact pour les revenus salariaux des frontaliers français, l’entrée en vigueur cette année de la nouvelle convention fiscale apporte une très mauvaise surprise pour les couples ayant des revenus provenant des deux côtés de la frontière, qui va de quelques centaines d’euros d’augmentation sur l’imposition annuelle à plusieurs milliers d’euros.
L’objectif de la convention (et de son avenant) est, en soi, lui-même sans équivoque: la convention vise à «… éviter les doubles impositions et (à) prévenir l’évasion et la fraude fiscale en matière d’impôt sur le revenu … », comme le stipule explicitement son titre.
Alors, pourquoi avoir inclus les revenus salariaux dans cette convention dont l’objet porte avant tout sur les mécanismes d’évasion fiscale des revenus commerciaux, du patrimoine et des sociétés? Est-ce que cela veut dire que les modestes salariés frontaliers français au Luxembourg sont tous considérés comme de potentiels fraudeurs ou évadés fiscaux?
Force est de constater que même si la convention suit les standards de l’OCDE et qu’il n’y a donc pas, «techniquement» parlant, de double imposition directe, la mise en œuvre de cette convention n’empêche pas une véritable tromperie politique: ses effets concrets se révélant en effet parfois très proches d’une double imposition…
Jusqu’en 2020, le mécanisme de mondialisation des revenus en France prenait en compte le revenu luxembourgeois auquel il soustrayait les cotisations sociales et les impôts déjà payés au Luxembourg. Avec la mise en place de la nouvelle convention, ceci n’est plus le cas puisque seules les cotisations sociales y sont déduites: le revenu total soumis au barème d’imposition français s’en trouve mécaniquement plus important, entrainant donc aussi forcément une augmentation de la charge fiscale. Sachant que le taux d’imposition appliqué est celui relevant de l’imposition en France: dans le cas où l’impôt payé au Luxembourg par un frontalier est supérieur à l’impôt qu’il paie en France, on peut également se demander si on n’a pas à faire ici à une imposition sur une partie d’impôt déjà payée par le contribuable!
De plus, malgré les déclarations de 2019, les retraités qui ne peuvent pas modifier leur situation financière se voient également impactés par la mise en œuvre de la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise et voient ainsi leurs impôts augmenter de manière significative.
Certains décideurs politiques français de la Région Grand Est, qui avaient très peu réagi en 2018 et 2019, reconnaissent désormais aussi que le traitement de cette affaire n’a pas été transparent et même scandaleusement opaque. Certains proposent maintenant par exemple de «réserver ces ressources supplémentaires à la réalisation des projets facilitant la vie des frontaliers.» Mais en quoi ces augmentations d’impôts vont-ils faciliter la vie des frontaliers? Car les conséquences sont nombreuses: outre la diminution de revenu non anticipée, il y a aussi des conséquences sur les seuils et les aides pour les crèches, les cantines, les gardes d’enfants, etc.
L’OGBL qui a toujours défendu le pouvoir d’achat des salariés — qu’ils soient résidents ou frontaliers — s’oppose donc à la mise en œuvre de la convention fiscale franco-luxembourgeoise et demande aux ministres concernés (Pierre Gramegna pour le Luxembourg et Bruno Le Maire pour la France) d’amender cette convention fiscale par un nouvel avenant qui garantirait par exemple que les impôts déjà payés au Luxembourg soient bien déduits de la totalisation des revenus pour l’application du barème d’imposition français. Ceci ne serait que justice et constituerait une vraie équité fiscale.
L’OGBL va entreprendre des démarches auprès des décideurs politiques concernés et enverra ainsi notamment une lettre à l’ensemble des députés français concernés dans la Région Grand Est. L’OGBL invite également tous les contribuables lésés à interpeller leurs députés en leur exprimant leur incompréhension.
Après la réforme fiscale au Luxembourg de 2016 qui a rétabli une équité fiscale entre ménages résidents et ménages frontaliers français et désormais la mise en œuvre de la convention fiscale en 2021, les ménages frontaliers français qui ont des revenus mixtes ont le sentiment légitime de subir, en stéréo, une augmentation drastique d’impôts et une baisse conséquente de leur pouvoir d’achat qui, à terme, risque de faire perdre son attractivité au Luxembourg. L’OGBL ne peut tout simplement pas accepter cette situation.
Communiqué par l’OGBL le 21 septembre 2021
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