L’appel de l’OGBL aux partis politiques : défendez le modèle salarial luxembourgeois!

André Roeltgen secrétaire-général de l’OGBL

Pas de «nouveau départ» sans maintien des acquis.

Cet automne sera celui du renouveau politique. Les dernières années ayant été marquées par une détérioration des relations sociales, ce renouveau est plus que bienvenu. Par deux fois, en 2010 et 2011, les discussions tripartites ont été un échec parce que le gouvernement voulait obtenir, en vain, l’accord de l’OGBL pour des détériorations structurelles de l’index et la suppression d’autres avantages sociaux.

Si les partis politiques qui formeront le nouveau gouvernement après le 20 octobre veulent poursuivre cette politique, ils ne prendront aucun « nouveau départ » et n’aideront ni à consolider ni à développer notre modèle social.

Prendre un nouveau départ, c’est avant tout prendre l’engagement – sur le plan social, fiscal et des revenus – de repositionner le modèle social luxembourgeois éprouvé et reconnu en tant que principe directeur de la politique.

Dans ce contexte, notre système national de détermination des salaires joue un rôle central. Son principe premier, celui de l’interaction entre le salaire minimum légal, l’index et les conventions collectives, garantit depuis longtemps la paix sociale et l’attractivité de la place économique luxembourgeoise.

A aucun moment, ce système n’a pesé sur la compétitivité et le potentiel économique des entreprises luxembourgeoises, que ce soit au niveau national ou international. Il a longtemps permis une évolution des salaires et du pouvoir d’achat des travailleurs non pas identique mais à tout le moins très similaire à l’évolution de la productivité des entreprises.

L’OGBL demande le rétablissement de l’index sans restrictions. Qui d’autre ?

Depuis 2006, le gouvernement ne cesse de s’en prendre au système de l’index. Et depuis 2006, l’OGBL fait opposition et se pose en force socio-politique de référence pour défendre efficacement l’avenir du système luxembourgeois éprouvé de détermination des salaires. L’OGBL maintiendra cette ligne de conduite y compris après le 20 octobre.

Et quelle est la réponse des partis politiques à cette thématique essentielle? Ils sont invités, au cours des prochaines semaines, à expliquer concrètement – et non pas de façon superficielle ou évasive – aux électrices et électeurs si et comment ils entendent défendre notre système national de détermination des salaires.

Nombreuses sont les questions précises qui appellent des réponses claires.

Veulent-ils, comme l’exige l’OGBL, rétablir l’index normal sans autres manipulations ou ne le veulent-ils pas? Dans la négative, ils leur faut dès maintenant expliquer à l’électorat quelles sont les manipulations ou détériorations structurelles de l’index qu’ils envisagent.

L’index « plafonné » : sous des apparences populistes, une redistribution du bas vers le haut.

Rejettent-ils catégoriquement, à l’instar de l’OGBL, l’index « plafonné » annoncé par le ministre d’Etat Jean-Claude Juncker et dénoncent-ils le populisme de cette attaque sur l’index? L’OGBL n’est pas dupe quant aux conséquences désastreuses pour les travailleurs: premièrement, l’index « plafonné » déprécie les salaires moyens ; deuxièmement, il met les petits salaires et le salaire minimum légal sous forte pression; troisièmement, il trace la voie d’une suppression totale de l’index; et quatrièmement, il épargne les seuls bénéficiaires de gros salaires car ceux-ci vont de toutes façons s’arranger avec leur employeur. Le décalage entre le populisme et la réalité du portefeuille de la plupart des travailleurs est aussi simple que cela.

Et quelle est la position des partis par rapport à d’autres options de détériorations structurelles, telles que les manipulations du panier de la ménagère (par ex. retrait des produits pétroliers) ou celles empêchant l’échéance ou permettant le paiement décalé de tranches indiciaires en raison de « difficultés » économiques qu’il est politiquement facile de décréter à tout moment, d’une « faiblesse de la croissance » ou de « désavantages concurrentiels », etc. ?

On ne touche pas au salaire minimum légal.

Outre l’index, le salaire social minimum est le deuxième pilier légal de notre système salarial. Depuis 2010, certains employeurs, encouragés en cela par l’OCDE, mènent des attaques contre le salaire social minimum légal et contre son mécanisme d’adaptation périodique. Ces attaques ont tristement culminé avec l’affirmation scandaleuse et absurde d’un porte-parole du patronat selon laquelle la valeur du travail presté par les bénéficiaires du salaire minimum ne justifierait pas le montant de celui-ci.

L’OGBL demande aux partis politiques de prendre leurs distances par rapport à des telles aberrations idéologiques et de se positionner clairement en faveur d’un salaire minimum légal pour le travail non qualifié et qualifié. Le salaire minimum légal doit continuer à être adapté périodiquement à l’évolution générale des salaires et des revenus. Le sapage structurel du mécanisme d’adaptation actuel est inacceptable.

Les conventions collectives luxembourgeoises : qu’en est-il exactement.

Qu’en est-il des conventions collectives, le troisième élément du système salarial national ? Ici aussi, il est temps de rappeler certains éléments fondamentaux car nombreuses sont les déclarations concernant le système luxembourgeois de conventions collectives qui, ces derniers temps, ont semé le trouble et la confusion.

En voici un exemple, qui mérite d’être rapporté : « Pour les nombreux travailleurs qui n’ont pas de convention collective, l’index constitue l’unique augmentation salariale. »

Indépendamment du fait que l’index ne constitue pas une « augmentation » mais une simple adaptation des salaires et du pouvoir d’achat à l’évolution des prix, et indépendamment de l’injustice sociale qui fait que de nombreux travailleurs ne bénéficient d’aucune augmentation réelle de leur salaire – ce qui signifie en clair que les augmentations de la productivité dans leurs entreprises vont intégralement dans la poche de leurs employeurs –, cet argument bien pensé pour le maintien du système de l’index véhicule malheureusement une fausse image du système luxembourgeois de conventions collectives. Il donne en effet à entendre que les conventions collectives pourraient récupérer ou « compenser » une suppression de l’index.

C’est faux. La loi luxembourgeoise sur les conventions collectives et leur négociation est en effet rédigée et conçue de telle façon qu’elle pose comme condition de base un mécanisme légal d’indexation intact et fonctionnel. Dans sa structure et son mode de fonctionnement, cette loi est axée non pas sur la négociation de l’adaptation des salaires à l’inflation mais bien exclusivement sur la situation économique réelle et la productivité des entreprises et des secteurs économiques.

En d’autres mots : il s’agit, pour les négociations de conventions collectives, de l’évolution réelle des salaires et des conditions de travail – qui peut être positive ou négative en fonction de la situation.

Cette politique tarifaire décentralisée est, à de nombreux points de vue, très avantageuse non seulement pour les travailleurs mais aussi et surtout pour les entreprises.

Voulons-nous vraiment en finir avec cette politique tarifaire décentralisée, une mesure qui exigerait en outre une réforme en profondeur de la législation en matière de conventions collectives ?

Voulons-nous sérieusement abandonner un modèle de conventions collectives qui, combiné au mécanisme légal de l’index, contribue depuis des décennies à garantir dans notre pays la paix sociale, la grande stabilité des relations sociales et l’attractivité du site économique ?

Voulons-nous, par des attaques aveugles contre l’index, saper notre système national de détermination des salaires et prendre le dangereux chemin de l’aventure sociale ?

Les « propositions » de Bruxelles : des expérimentations dangereuses qui ne servent pas les intérêts du Luxembourg.

L’OGBL ne s’engagera pas dans cette voie. C’est pourquoi il demande aux partis et à tous les candidats qui se présentent aux élections du 20 octobre et briguent une fonction ministérielle de prendre clairement position en faveur du maintien de notre modèle national de détermination des salaires.

Ils sont appelés à prendre auprès des électrices et des électeurs l’engagement de s’opposer avec détermination aux « propositions » de la Commission de Bruxelles et du Conseil européen, celles-ci étant contraires à notre système d’index et à notre modèle national de détermination des salaires.

Avant et après les élections.

André Roeltgen
Secrétaire général de l’OGB-L