Il n’y a pas si longtemps, le gouvernement luxembourgeois, dont le ministre des Finances de l’époque Luc Frieden, a réformé le système de pension au détriment des retraités luxembourgeois.

C’était pour être précis en 2012, après les turbulences économiques de 2010, où d’importantes détériorations du système ont été présentées comme une réponse inévitable aux défis démographiques. Ironiquement, tout cela a été expliqué sous le couvert de la viabilité à long terme du système, alors qu’aujourd’hui, une décennie plus tard, les mêmes arguments sont à nouveau déroulés.

La seule chose qui a changé, c’est que le ministre des Finances de l’époque est aujourd’hui Premier ministre. Le titre semble donc être la seule nouveauté du nouveau Luc dans le débat sur les retraites, le regard dans la boule de cristal prisée, le pessimisme et l’éternelle menace du mur des retraites, dans le but d’ouvrir la voie à son propre agenda politique de démantèlement social, demeurent.

La réforme des pensions de 2012 a introduit plusieurs détériorations importantes du régime général des pensions, qui ne sautent pas aux yeux en comparaison directe, mais dont l’effet cumulé est d’une importance énorme à long terme.

Déjà à l’époque, l’OGBL avait mis en garde contre les détériorations du système de pension et avait fait des propositions concrètes pour garantir nos pensions sans détérioration des prestations. La politique luxembourgeoise a cependant décidé de ne plus garantir aux générations futures le niveau de pension de leurs parents, mais de l’abaisser au niveau de celui de leurs grands-parents.

Outre la baisse directe et conséquente du taux de remplacement jusqu’en 2052, la réforme de 2012 prévoyait également de réduire significativement, voire de supprimer, le taux d’ajustement et l’allocation de fin d’année dès que les dépenses du système de pension dépasseraient les recettes.

Alors que la première mesure ne concerne que les futurs retraités, la réduction ou la suppression semi-automatique du taux d’adaptation et de la prime de fin d’année affecte tous les retraités (futurs et actuels).

Rien qu’avec la baisse du taux de remplacement, un travailleur qui a gagné un salaire moyen luxembourgeois pendant 40 ans perd 12,7% sur sa pension. Si l’on considère que l’espérance de vie moyenne d’une personne de 60 ans est encore de 25 ans, cela représente une perte totale de 200.000€ par la réforme de 2012.

En plus de cette réduction de prestations déjà perceptible aujourd’hui, les retraités luxembourgeois subiront encore d’autres pertes significatives du fait de la baisse très probable du taux d’adaptation et de la suppression prochaine de la prime de fin d’année.

L’OGBL rappelle que le taux d’adaptation est un élément essentiel de l’esprit de solidarité de notre système de pension. C’est lui qui assure une partie importante de la promesse de base de notre contrat de génération, à savoir que les retraités de notre pays ont droit à une participation à la richesse produite par notre pays. Pour ce faire, l’évolution des pensions est liée à celle des salaires réels.

De plus, il garantit que les inégalités entre la population active et les retraités ne sont pas renforcées. Le taux d’adaptation est donc un garant important de la cohésion sociale dans notre société.

Rien qu’en diminuant ou en supprimant le taux d’adaptation, comme le prévoit la loi depuis 2012, un pensionné moyen perdrait entre 12% et 22,6% sur l’évolution de sa pension. Concrètement, cela signifie sur 25 ans une perte supplémentaire comprise entre 71.000 et 137.000€.

Mais comme nous l’avons déjà mentionné, le taux d’adaptation n’est pas le seul à être remis en question dès que les dépenses du système de pension dépassent les recettes. Il faut y ajouter une suppression complète de l’allocation de fin d’année, qui représente une perte supplémentaire de 24.000€ pour notre pensionné moyen des exemples précédents.

De plus, depuis 2012, la revalorisation du salaire de base a été reportée dans le mécanisme de calcul, ce qui entraîne une quadruple détérioration du système de pension.

Si l’on rapporte la somme de ces quatre modalités de dégradation à un retraité ayant gagné un salaire moyen pendant 40 ans, la réforme de 2012 se traduit concrètement par des pertes comprises entre 380.000 et 470.000€ pour ce seul retraité.

Il est donc clair que la réforme de 2012 est déjà allée trop loin et constitue un recul social important. Malgré ces sacrifices des travailleurs, des retraités et de leurs familles, la viabilité à long terme du système de pension ne serait toujours pas assurée.

Le patronat mentionne toujours le faible taux de risque de pauvreté des personnes de plus de 65 ans pour illustrer que le système de pension luxembourgeois est, à son avis, encore trop généreux aujourd’hui.

L’OGBL souligne dans ce contexte (et s’étonne qu’il soit même nécessaire de le mentionner) qu’il est justement louable d’avoir un faible risque de pauvreté parmi sa population âgée. C’est précisément ce niveau devrait être visé, au lieu de le dénoncer et de l’utiliser à des fins argumentatives pour remettre en question notre système public.

Mais ce qui ressort surtout d’un examen plus approfondi, c’est que l’évolution de la pauvreté des personnes âgées doit être analysée en premier lieu. Celle-ci a en effet très fortement augmenté au Luxembourg, passant de 3,9 à 10,4% entre 2010 et 2022, ce qui représente plus du double du risque de pauvreté chez les retraités. Cette progression alarmante est plus forte au Luxembourg que dans l’ensemble de l’Union européenne. Et surtout, cette évolution risque encore de s’aggraver avec les déteriorations préprogrammées par la réforme des pensions de

Pour l’OGBL, il est donc clair qu’il ne faut en aucun cas procéder à de nouvelles dégradations qui ne feraient qu’aggraver ce triste bilan. Il est temps aujourd’hui d’investir dans notre système public et de le renforcer, d’annuler les dégradations sociales de la réforme de 2012 et de trouver de nouvelles sources de financement, et ainsi d’assurer nos pensions à long terme.

 

 

Print