Débat autour des pensions

Les syndicats veulent une discussion sérieuse

C’est unis que les représentants de l’OGBL et du LCGB se sont présentés le 7 octobre face à la presse à l’occasion du coup d’envoi du grand débat autour des pensions voulu par le gouvernement. Les deux syndicats ont en effet décidé de faire front commun dans le cadre de ce dossier si important. Et si cela devait s’avérer nécessaire, ils mèneront également une «opposition syndicale commune à toute tentative de démantèlement des pensions au Luxembourg et ce, ne serait-ce que d’un centimètre », pour reprendre les mots de la présidente de l’OGBL.

Le message est clair: en aucun cas, l’OGBL et le LCGB n’accepteront une dégradation de notre système social et solidaire basé sur la répartition ou bien encore une privatisation du régime public. «C’est un des meilleurs systèmes au monde. Il se fonde sur la solidarité. C’est exactement ce dont nous avons besoin. C’est la raison pour laquelle nous devons maintenir ce système et l’améliorer. C’est cela qui doit être l’objectif d’une réforme et rien d’autre. Et certainement pas la dégradation de notre système. » a également souligné la présidente de l’OGBL.

Par ailleurs, les deux syndicats n’apprécient pas du tout la façon dont la discussion a débuté. Ils rappellent tout d’abord que ce débat sur l’avenir de notre système de pensions n’a été annoncé dans aucun programme électoral avant le dernier scrutin national. Sitôt élu, le nouveau gouvernement n’a ensuite pas tardé pour dégainer, en faisant des annonces inquiétantes et en expliquant qu’une réforme s’imposait désormais.

Puis, le gouvernement a annoncé qu’il comptait organiser une large discussion à travers le pays. «Nous sommes pour la discussion. Nous sommes contents lorsqu’on consulte et discute largement, mais on ne doit pas oublier que lorsqu’il est question du système de pensions luxembourgeois — qui est un pilier important de notre modèle social — ces discussions doivent avoir lieu dans le cadre de notre fameux modèle tripartite et que c’est là que les décisions doivent être prises. C’est là que l’on retrouve les représentants de ceux qui financent le système. C’est la raison pour laquelle, les partenaires sociaux doivent rester les principaux interlocuteurs dans le cadre de cette discussion», explique Nora Back.

L’OGBL et le LCGB ne cachent pas non plus leur surprise lorsqu’ils ont découvert la liste des organisations que le gouvernement compte consulter dans le cadre de ce débat. «On se pose beaucoup de questions », indique la présidente de l’OGBL. En effet, pourquoi n’y retrouve-t-on par exemple pas d’organisations féministes, alors même que les inégalités femmes-hommes en matière de pension sont très élevées au Luxembourg? Pourquoi les frontaliers, hormis ceux qui sont représentés par les syndicats, ne sont-ils pas consultés? Pourquoi l’ACA ou le Conseil national des Finances sont-ils consultés et pas l’UNEL et l’OAI? Pourquoi la fondation IDEA et pas le think tank de la CSL?…

La ministre de la Sécurité sociale a également annoncé récemment que chaque citoyen pourra apporter sa propre contribution au débat par le biais d’un site Internet en introduisant son propre commentaire… de 500 signes au maximum — des commentaires qui n’ont toutefois pas vocation à être rendus publics par la suite. «Ce n’est pas comme ça que nous imaginons une discussion sérieuse sur le système de pensions. Désormais nous voulons discuter sérieusement des pensions», fait savoir la présidente de l’OGBL.

Pour ce faire, l’OGBL et le LCGB ont produit avec la Chambre des salariés un document de 130 pages qui dresse une analyse chiffrée et détaillée de notre système de pensions et qui devrait permettre d’objectiver le débat.

Une analyse qui tord le cou à toute une série de contre-vérités, pour ne pas dire des affirmations populistes, qui circulent largement sur notre système de pensions. Ce document démontre ainsi notamment que la situation financière de notre régime de pensions est loin d’être aussi préoccupante que ce qui est souvent avancé et qu’il n’y a aujourd’hui aucune urgence à agir, que les pensions qui sont perçues par les pensionnés actuels sont loin d’être exorbitantes, que la réforme de 2012 a déjà entrainé des pertes importantes pour les futurs salariés, que les projections se sont toujours avérées fausses, etc.

Enfin, l’OGBL et le LCGB rappellent que la question des pensions n’est pas une question de mathématique, mais avant tout une question éminemment politique, de choix de société. (Lire également notre dossier consacré au système de pensions).

L’article a été publié dans l’Aktuell (4/2024)

 

Revendications syndicales

  • Mener la discussion à pied d’égalité entre les 3 parties impliquées (gouvernement, employeurs et syndicats) sans prise de décision unilatérale du gouvernement
  • Apprécier la situation financière du système des pensions suivant une période de couverture de 10 ans avec des bilans intermédiaires tous les 5 ans (des horizons plus lointains sont trop sensibles aux changements d’hypothèses et par le passé les analyses se sont toujours avérées trop pessimistes)
  • Utiliser la réserve des pensions pour combler les éventuels déséquilibres à court et moyen terme (la réserve n’est pas une fin en soi, mais existe justement pour compenser les déséquilibres futurs)
  • En cas de besoin, aller chercher des recettes supplémentaires plutôt que détériorer les prestations
  • Pérenniser l’allocation de fin d’année
  • Pérenniser le réajustement des pensions
  • Augmenter la pension minimum de manière significative
  • Développer des sources de financement alternatives au système de pension (rendre le financement moins dépendant de l’évolution de l’emploi et tenir compte des évolutions technologiques) ou bien augmenter le taux de cotisation
  • Réduire considérablement le seuil de la réserve légale (le maintien de la réserve légale constitue une contrainte importante pour le système lorsque ce seuil est atteint)