Article du journal Le Quotidien: «Nous n’accepterons aucune pression»

Suite à une récente décision de la Cour d’appel, les nettoyeurs de bâtiments ayant travaillé dix ans ou plus ont désormais droit au salaire minimum qualifié. L’OGBL s’en félicite. Et attend une réaction du patronat.

De la journaliste du Quotidien: Christiane Kleer

Le 27 juin dernier, la 8e chambre de la Cour d’appel du Luxembourg a pris une décision qui changera la vie des travailleurs du nettoyage de bâtiments : dès dix ans d’expérience, ils auront droit au salaire minimum qualifié (2249,03 euros). Mais ce jugement est aussi un pas important vers le statut de métier du nettoyeur de bâtiments, jusqu’à présent non reconnu. Or, jusqu’à présent, les patrons du secteur font profil bas.

Quatorze ans. Estelle Winter a attendu longtemps. Mais ses efforts ont valu la peine. La nettoyeuse de bâtiments, qui est aussi secrétaire syndicale pour son secteur auprès de l’OGBL, a remporté une victoire importante devant la 8e chambre de la Cour d’appel, il y a un peu plus d’une semaine. Cette chambre, qui est spécialisée dans le domaine du travail, a décidé le 27 juin dernier qu’un nettoyeur de bâtiments ayant une expérience professionnelle de dix ans ou plus a le droit de toucher le salaire minimum qualifié, soit 2 249, 03 euros au lieu de 1 874,19 euros. Même si le concerné n’est pas détenteur d’un CATP, qui de toute façon n’existe pas dans le domaine du nettoyage luxembourgeois. En 1999 déjà, Estelle Winter, qui a aujourd’hui presque vingt ans de métier, avait introduit son recours, dirigé contre son ancien employeur, au tribunal du travail de Luxembourg. Celui-ci avait donné un jugement favorable le 26 février 2002, réformé par la Cour d’appel (3e chambre) avant d’être cassé par la Cour de cassation le 17 mars 2011, puis renvoyé devant la 8e chambre de la Cour d’appel, où Estelle Winter a donc récemment eu raison.

Or, si la secrétaire centrale du syndicat des services privés de nettoyage de l’OGBL est aujourd’hui rassurée, son combat n’est pas terminé. Il s’agira désormais de faire bouger le patronat, qui, d’après Estelle Winter, n’a jamais été favorable à une règlementation de ce genre. «Cela fait quatorze ans qu’ils répètent que le nettoyeur de bâtiments n’est pas un métier, mais un métier secondaire. Ils étaient sûrs qu’on n’allait pas obtenir raison devant le tribunal», a confié Estelle Winter, hier. Son syndicat avait en effet organisé une réunion de sensibilisation, hier matin, à la Maison du peuple à Esch-sur-Alzette, réunion qui a connu un grand succès.

Une permanence sera mise en place

Estelle Winter n’était pas la seule à avoir introduit un recours devant les juridictions du travail luxembourgeoises. 350 dossiers y sont actuellement «en attente», et leur nombre augmentera au cours des semaine à venir. «Nous avons motivé tous ceux qui ne l’ont pas encore fait de soumettre un dossier devant le tribunal. À l’OGBL, nous mettrons en place une permanence afin de les soutenir dans cette démarche», a noté la secrétaire syndicale à l’issue de la réunion d’hier. En effet, Estelle Winter et son syndicat sont déterminés à demander que chaque salarié concerné par les dix ans d’expérience de travail (ou plus) obtienne un paiement rétroactif des 20 % de différence entre le salaire minimum et le salaire minimum qualifié.

C’est aussi pourquoi l’OGBL attend avec impatience que la Fédération luxembourgeoise des entreprises de nettoyage de bâtiments, qui représente les patrons du secteur, se manifeste. «Pour l’instant, ils n’ont pas encore réagi au jugement du 27 juin», constate Estelle Winter, plus que prête à entamer ces négociations. Mais qu’en attend-elle? «Il se peut que les patrons décident de demander une deuxième cassation, même si c’est peu probable puisqu’il y en a déjà eu une», note Estelle Winter.

Personne ne sait, pour l’instant, combien de personnes pourraient être concernées par la nouvelle règlementation, des chiffres clairs n’existent pas. Actuellement, 9 000 personnes travaillent dans le secteur. Et une chose est sûre, le récent jugement reviendra cher aux patrons. «Il est clair que cela leur reviendra cher, mais il faut rappeler aussi que, pendant 14 ans, ils ont refusé de négocier. Il n’est pas à exclure que certains salariés seront mis sous pression par leurs patrons. Mais nous n’accepterons aucune pression!», a insisté Estelle Winter, hier.



Vers un diplôme de nettoyeur?

En France, nettoyeur de bâtiments est un métier, qui relève d’une formation spécifique (CAP employé de collectivité). Tel n’est pas le cas au Luxembourg, au grand dam d’Estelle Winter, secrétaire centrale du secteur à l’OGBL. En 2004, son syndicat avait entamé des discussions en vue d’un diplôme de nettoyeur de bâtiments avec la ministre de l’Éducation, Mady Delvaux-Stehres. Sans succès.Le récent jugement de la Cour d’appel pourrait changer la donne. Estelle Winter a annoncé, hier, vouloir relancer ses négociations avec la ministre.