Les activités économiques d’entreprises luxembourgeoises dans des secteurs à risques comme p.ex. les minerais de conflit, la filière cacao, l’accaparement de terres au Sud, ainsi que le rapport récent de la Commission Consultative des droits de l’Homme sur la traite humaine au niveau du monde du travail au Luxembourg, témoignent des défis auxquels doit faire face le Grand Duché en matière de violations potentielles ou réelles des droits humains « ici et ailleurs ». Le Luxembourg, candidat pour un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, ne pourra donc pas être considéré comme un Etat à l’écart de ces réalités.
L’Initiative pour un devoir de vigilance, regroupant 16 organisations de la société civile et du milieu syndical, propose de manière générale l’introduction d’un « smart mix » de mesures dans le Plan d’action national pour la mise oeuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PAN) 2020-2022. En effet, les Principes directeurs des Nations Unies précisent que les Etats « devraient envisager un assortiment judicieux de mesures – nationales et internationales, contraignantes et volontaires – pour favoriser le respect des droits de l’homme par les entreprises », des mesures purement volontaires ne permettant en aucun cas à l’Etat de s’acquitter de son obligation de protéger les droits humains dans le cadre des activités économiques.
Dans ce contexte, l’action prioritaire au niveau de l’Etat doit porter sur l’introduction dans la législation nationale d’un devoir de diligence contraignant qui oblige les entreprises domiciliées au Luxembourg à contrôler le respect des droits humains et de l’environnement tout au long de leur chaîne de valeur. Cette législation permettra au Luxembourg de se doter de règles adaptées au contexte économique national.
Par ailleurs, l’Initiative salue l’intégration dans le PAN d’une étude sur la possibilité de légiférer sur le devoir de diligence. En plus d’explorer la faisabilité d’une éventuelle loi, cette étude devra également porter sur son impact éventuel sur le respect des droits humains au niveau des activités économiques des entreprises. Dans une démarche démocratique et participative, elle devrait également comporter une consultation publique des parties prenantes.
Le candidat pour un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à la traîne d’autres pays européens ?
Les premiers pas pour concrétiser les engagements pris au niveau de l’accord de coalition sur le plan national et européen seront donc à réaliser pendant ce second Plan d’action national.
L’engagement des parties prenantes pour une législation européenne ne pourra en aucun cas servir à remettre en question la pertinence et la complémentarité d’une législation nationale au niveau des Etats membres de l’Union européenne. En effet, une « mosaïque » de législations nationales existe d’ores et déjà au niveau européen, comme par exemple la loi pour un devoir de vigilance en France, la loi pour un devoir de diligence concernant le travail des enfants aux Pays-Bas qui va prochainement basculer vers une loi généralisée sur le devoir de diligence, et le processus entamé en Finlande. La Finlande, comme le Luxembourg, est candidate pour un siège au Conseil des droits de l’homme au niveau des Nations Unies. En Allemagne, les engagements volontaires des entreprises dans le cadre de leur plan d’action national ont largement échoué, de sorte que les ministres concernés envisagent désormais de prendre leurs propres responsabilités. Ces lois et évolutions témoignent des différents degrés de maturité et d’implication effective en la matière au niveau des pays européens et permettent à ceux-ci de tenir compte de certaines spécificités nationales.
Afin que sa candidature pour un siège au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en 2022 soit cohérente, le Luxembourg devrait être parmi les premiers à garantir une protection contre les atteintes aux droits humains dans le cadre des activités économiques en adoptant une législation nationale.
Une autre action prioritaire de l’Etat devrait porter sur l’introduction d’une législation sur un recours collectif « dans des matières autres que la protection des consommateurs » en incluant également les atteintes aux droits humains afin de donner à ceux-ci l’efficacité que leur caractère fondamental exige au plus haut point.
Comment le second Plan d’action national (PAN 2) pour la mise oeuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme aurait pu aller plus loin ?
En termes de contenu, l’Initiative estime que le PAN 2 aurait pu aller plus loin, notamment en ce qui concerne le « rôle modèle » des entreprises apparentant à l’Etat et le Pacte national sur le respect des droits de l’homme dans les activités des entreprises. Le Pacte national faisait partie des 13 mesures du PAN 1 mais il n’a pas pu être finalisé lors de la période.
Le Pacte pourrait constituer un premier pas au niveau d’un engagement concret des entreprises signataires. Néanmoins, la signature et l’application du Pacte national aussi bien par les entreprises qui appartiennent à l’Etat que par les entreprises privées, ne reflètent pas l’attente au niveau des Principes directeurs des Nations
Unies « de prendre des mesures plus rigoureuses au niveau des entreprises qui appartiennent ou sont contrôlées par l’Etat pour exercer une protection contre les violations des droits de l’homme ». En effet, un rôle de modèle devrait être joué par ces entreprises en adoptant par exemple une approche sectorielle en application des guides respectifs de l’OCDE.
De plus, le cadre référentiel de ce Pacte national est encore à développer lors du PAN 2 afin de permettre aux entreprises une analyse des risques, le choix des mesures à adopter etc. Ce cadre devra également permettre une évaluation des rapports d’entreprises par un expert externe. Certains cadres de référence existants sont par ailleurs incomplets au regard des exigences des Principes directeurs des Nations Unies. L’Initiative pour un devoir de vigilance s’opposera formellement à un Pacte qui ne ferait pas appel à un cadre référentiel efficace et cohérent.
Enfin, une telle mesure ne pourra en aucun cas se substituer à une loi contraignante pour un devoir de diligence en matière de droits humains.
D’autres positions sur des mesures importantes
L’Initiative préconise également d’autres mesures importantes comme par exemple le soutien concret (logistique et financier) de pays partenaires de la Coopération luxembourgeoise dans leur effort d’établir un plan d’action national ; l’introduction de la diligence raisonnable en matière de droits humains telle que préconisée par les Principes directeurs au niveau de l’Office du Ducroire ; l’intégration du concept de diligence raisonnable en matière de droits humains dans la Sustainable Finance Roadmap (annoncée en 2018) ; le renforcement du caractère multipartite du PCN de l’OCDE. Ces mesures peuvent être consultées sur le site www.initiativedevoirdevigilance.org.
Malgré sa proposition d’intégrer un « smart mix » de mesures dans le nouveau PAN, l’Initiative pour un devoir de vigilance constate qu’il y existe toujours un déséquilibre en faveur des mesures purement volontaires par rapport aux mesures contraignantes.
Contacts : Jean-Louis Zeien : 621180105 & Antoniya Argirova : 621303193
Communiqué par l’Initiative pour un devoir de vigilance le 18 décembre 2019
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