Le ministre de l’Économie, Lex Delles, vient d’annoncer avoir déposé un projet de loi visant à réformer les heures d’ouverture dans le secteur du commerce de détail et des métiers de bouche. Bien que ce ne soit pas dit ouvertement, le gouvernement vise une libéralisation quasi-complète des heures d’ouverture — et donc des heures de travail du personnel dans les entreprises concernées.
En clair, le gouvernement prévoit de mettre en place le régime d’heures d’ouverture de loin le plus libéral de toute la Grande Région :
Après l’extension prévue des heures de travail dominicales de 4 à 8 heures, cet élargissement extrême des heures d’ouverture et des heures de travail constitue une régression sociale d’envergure, puisqu’elle détruira toute vie familiale ou privée pour les 50 000 salariés concernés.
Ces deux réformes sont en contradiction flagrante avec l’étude réalisée par le LISER et commanditée par le ministère des Classes Moyennes en 2018 sur l’impact d’une possible libéralisation des heures d’ouverture, qui devait servir de base pour une réforme du cadre légal. En effet, cette étude a fait ressortir que l’écrasante majorité des salariés du commerce préfèrent ne pas du tout travailler le dimanche ni tard le soir, et que cela a des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des personnes concernées. L’étude a également mis en évidence qu’une libéralisation favorise les grandes entreprises au détriment des petites et qu’elle aggrave les problèmes d’attractivité des petits artisans et commerçants.
Dans un secteur d’activités à forte proportion féminine dont beaucoup de monoparentaux et qui dépend de la main-d’œuvre frontalière, cette ultra-flexibilisation des heures de travail aggravera les phénomènes déjà existants de pénurie de personnel et ne va certainement pas augmenter l’attractivité de ces métiers.
En autorisant des ouvertures dominicales allant jusqu’à 14 heures, le travail dominical deviendra de facto une obligation pour les salariés du secteur. Les projets en matière de jours fériés sont encore plus désastreux : non seulement les salariés du secteur seront obligés de travailler huit jours fériés par an, mais le fait de créer deux catégories de jours fériés pour les commerces pourrait constituer un premier pas en direction d’une augmentation généralisée du temps de travail de tous les salariés dans l’ensemble des secteurs d’activités.
Par ailleurs, ce projet de réforme ne laisse rien présager de bon quant aux autres projets de réforme du gouvernement visant soi-disant à « moderniser » le temps de travail. Toutes les initiatives dévoilées jusqu’ici au compte-goutte par le gouvernement ne constituent en réalité que des régressions pour les salariés. Pire encore, le gouvernement retire l’un après l’autre tout incitatif qui pourrait encore motiver les entreprises à négocier des conventions collectives.
Pour mettre en œuvre cet agenda, le gouvernement applique une tactique de saucissonnage à toutes les questions liées aux conditions de vie et de travail des salariés et de leurs familles. Au lieu de négocier ces questions en bloc au sein du Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE), le gouvernement contourne activement cette institution tripartite et les usages du dialogue social au Luxembourg et met les partenaires sociaux devant des faits accomplis, tout en adoptant une position purement patronale.
Cette nouvelle attaque contre les conditions de travail marque un nouvel épisode noir dans l’attaque frontale du gouvernement à l’encontre du dialogue social et des négociations collectives. Par conséquent, les deux organisations syndicales, OGBL et LCGB, ont adressé un courrier au Premier ministre afin de le mettre en garde face aux conséquences sur le modèle social luxembourgeois. Dans l’attente d’une prise de position officielle du gouvernement, l’OGBL et le LCGB ont décidé de commencer dès à présent à mobiliser les salariés du secteur et à lancer les premières actions syndicales contre cette libéralisation totale des heures d’ouverture.
Communiqué par l’OGBL et le LCGB, le 18 décembre 2024
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