L’OGBL constate depuis plusieurs mois que l’entreprise Açomonta à Differdange ne respecte pas la convention collective de travail “Bâtiment et génie civil” et le Code du travail luxembourgeois. L’entreprise est également liée à de nombreux abus au niveau du détachement de salariés étrangers vers le Luxembourg.
La société, constituée en août 2010 et dont les bureaux sont installés à Differdange, compte environ une cinquantaine de salariés sous contrat luxembourgeois. Açomonta fait également activement appel à des sous-traitants douteux pour leur confier l’exécution de travaux.
Des témoignages et documents récoltés par l’OGBL, grâce aux salariés de l’entreprise et grâce aux délégués OGBL d’autres entreprises, ont permis de mettre à jour de nombreux abus au niveau des salaires et des conditions de travail des salariés de l’entreprise Açomonta et de ses sous-traitants. Conditions de travail inacceptables
Après plusieurs vérifications, l’OGBL a identifié des irrégularités au niveau des rémunérations et des conditions de travail. De nombreux salariés ne perçoivent pas les salaires minima prévus par la convention collective de travail de la construction. Les majorations pour heures supplémentaires et les majorations pour travaux pénibles, de même que la compensation des heures de conduite ne sont pas rémunérées comme le prévoient les dispositions légales en vigueur. Les pertes de salaire qui en découlent peuvent aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros par année par salarié.
Les salariés de l’entreprise ont également indiqué à l’OGBL que des illégalités en matière d’atteinte à la santé et de sécurité ont lieu. L’employeur n’hésite pas à les faire travailler au-delà des 10 heures par jour, et parfois sept jours sur sept. A noter que la durée du travail d’un salarié, heures supplémentaires comprises, ne peut en aucun cas excéder les 10 heures par jour et les 48 heures par semaine. Ces seuils constituent en effet les limites absolues en matière de durée du travail. Par ailleurs, les salariés doivent également pouvoir bénéficier d’un repos journalier ininterrompu de 11 heures au moins. Aucune exception n’est tolérée à cette disposition. Ces conditions de travail inacceptables constituent des infractions graves qui mettent en péril la santé et la vie des salariés concernés.
Licenciements abusifs
Suite aux interventions des salariés assistés par l’OGBL voulant faire valoir leurs droits, une partie d’entre eux a été licenciée pour motifs économiques. Ces licenciements sont totalement abusifs puisque les salariés licenciés ont rapidement été remplacés par d’autres salariés engagés par la voie de sous-traitance. Un salarié nous a également confié que l’entreprise lui avait conseillé de s’inscrire auprès d’une agence intérimaire bien précise à traves de laquelle il serait réengagé avec un contrat de mission. L’OGBL est choqué par ces pratiques qui visent uniquement à se débarrasser de salariés gênants.
Entre sous-traitance et esclavage moderne
Au-delà des irrégularités relevées au sein des salariés de l’entreprise, d’autres éléments inquiètent l’OGBL. Açomonta sous-traite une grande partie de son activité à une multitude de petites entreprises. Ces entreprises détachent des salariés qui ont leur résidence au Portugal vers le Luxembourg pour le compte d’Açomonta. Cette dernière réceptionne ces salariés et se charge de leur gestion sur chantier.
Ces salariés proviennent majoritairement d’anciennes colonies portugaises et d’autres pays tiers (hors Union Européenne). Les entreprises détachantes arrivent à recruter des travailleurs étrangers, donc des populations faibles, en leur promettant des salaires plus importants qu’au Portugal.
Bien que ces salariés travaillent au Luxembourg, ils sont logés en France ce qui complique énormément la tâches des organes de contrôle dont les zones de compétence s’arrêtent aux frontières. D’ailleurs, l’entreprise Açomonta possède une succursale à Redange en France, à moins de 10 kilomètres d’Esch-sur-Alzette.
Sur base des témoignages récoltés, l’OGBL a découvert que les salariés sont logés dans des conditions inhumaines. Ils dorment à plusieurs dans des pièces étroites dotées de lits superposés. Dans certains cas sans chauffage et sans eau courante puisque quelques ouvriers sont contraints de se laver sur chantier.
A l’instar des irrégularités relevées parmi les salariés effectifs d’Açomonta, les ouvriers détachés sont contraints de travailler sans tenir compte du temps maximum de travail autorisé et du temps de repos obligatoire. De plus, ils ne touchent pas le salaire conventionnel puisqu’on leur déduit les frais de transports, de logement et les repas. Ce qui est totalement contraire aux dispositions européennes sur le détachement de travailleurs au sein de l’UE. Au lieu du salaire de 2 400 € brut prévu, ils ne touchent qu’entre 300-700 € pour un mois de travail. Les dispositions sur le détachement prévoient que l’ouvrier détaché ait droit au traitement le plus favorable des deux pays (entre le pays d’origine et de destination).
Si un salarié détaché ose faire valoir ses droits, il est immédiatement reconduit à l’aéroport ou à la gare la plus proche. De retour au Portugal, les recours sont quasi-impossibles puisque les démarches sont très compliquées et onéreuses.
Plus de contrôles et de moyens répressifs efficaces
L’Inspection du travail et des mines (ITM) a la responsabilité de veiller à l’application de la législation dont font partie les conditions de travail et la protection des salariés. Ceci inclut le Code du travail, les conventions collectives et la directive européenne sur le détachement de travailleurs. Or, depuis plus de deux ans, l’OGBL a dénoncé l’entreprise et ses sous-traitants et transmet des informations et des pièces à l’ITM, mais à ce jour aucun résultat visible n’est à constater puisque les intéressés continuent leurs pratiques plus que douteuses.
L’OGBL tient également à dénoncer les entreprises luxembourgeoises qui ont recours à Açomonta et à ses sous-traitants. Le même patronat qui en avril 2012 a accompagné l’OGBL auprès du ministre du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, pour lui faire part de ces abus, fait aujourd’hui appel à ces réseaux en pleine impunité. L’OGBL appelle à un examen de conscience de ces entreprises qui par leur quête du profit mettent en péril des emplois au Luxembourg et favorisent des pratiques qui peuvent être assimilées à de l’esclavage moderne.
Açomonta et ses sous-traitants sont actifs sur de grands chantiers au Luxembourg dont certains sont publics. L’OGBL tient à rappeler sa revendication d’introduire des critères sociaux dans l’attribution des marchés publics afin d’éviter le diktat du prix le plus bas qui engendre ce genre d’abus.
Ces formes de dumping salarial et social constituent une menace pour le secteur de la construction. Afin d’éviter la prolifération de ces filières organisées et de lutter contre ces nouvelles formes d’esclavage, l’OGBL réitère par ailleurs sa revendication de mise à disposition de moyens supplémentaires pour les organes de contrôle et de moyens répressifs efficaces et dissuasifs.
L’OGBL continuera à participer à différentes initiatives visant à protéger les salariés détachés vers le Luxembourg et les salariés sous contrat luxembourgeois du secteur du bâtiment et génie civil.
Enfin, l’OGBL invite les salariés concernés par ces abus à se rendre à notre agence d’Esch-sur-Alzette pour que nous puissions les assister dans les démarches de recouvrement des sommes dues et assurer la défense de leurs intérêts. L’OGBL s’apprête à remettre des dossiers en sa possession à la justice et se chargera de leur suivi.
Communiqué par le Syndicat Bâtiment, Artisanat du Bâtiment et Constructions métalliques le 19 mars 2013
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