André Roeltgen Secrétaire général de l’OGBL
Lors de son sommet des 27 et 28 juin, le Conseil européen discutera de la dimension sociale de l’Europe. Est-ce le signe d’un revirement? Les chefs d’Etat et de gouvernement européens sont-t-ils enfin arrivés à la conclusion que la politique économique et monétaire néolibérale doit être stoppée afin d’éviter que le désastre social et politique n’empire? Donnera-t-on enfin une suite à la revendication de la Confédération européenne des syndicats et de l’OGBL de traiter sur pied d’égalité la dimension sociale et la politique économique et financière, au lieu de considérer le social comme secondaire?
Rien n’est moins sûr. En effet, si le Conseil européen se décidait, lors de son sommet de juin, pour une feuille de route politique soumettant et subordonnant les compétences nationales des pays européens en matière de politique sociale, salariale et de l’emploi au «diktat» et aux instruments de la politique européenne néolibérale monétaire, budgétaire et économique, alors la revalorisation de la dimension sociale restera sur le carreau. Au lieu d’une harmonisation vers le haut on risquerait une convergence sociale vers le bas.
Ce serait une catastrophe de plus pour la population européenne. Voilà pourquoi l’OGBL appelle le gouvernement luxembourgeois à s’engager clairement et fermement en faveur d’une intégration européenne en matière de politique sociale, donc pour une politique qui accordera à la dimension sociale une importance égale à la dimension économique et qui prend ses distances par rapport à la logique du dumping social et salarial en Europe.
L’OGBL s’oppose à une Europe qui veut détruire l’autonomie tarifaire des syndicats, qui veut imposer les systèmes salariaux d’en haut et dicter les orientations en matière de négociation salariale. L’OGBL s’oppose également à une politique européenne qui tente de nous convaincre que la meilleure voie pour combattre le chômage consiste en une «plus grande flexibilisation» du marché du travail, c.-à-d. en l’assouplissement des dispositions sur les contrats de travail, le temps de travail et le chômage. Et l’OGBL ne veut pas de cette Europe qui continue à dégrader les services publics et les systèmes publics de la sécurité sociale.
Les critiques montent en Europe. Et elles ne viennent plus uniquement du bord syndical. Même dans les milieux du capital des doutes surgissent si la politique d’austérité et le dumping salarial et social sont les bonnes recettes pour relancer l’économie et assainir les finances des Etats. Récemment, l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) a réclamé un renforcement «de la demande privée» afin de sortir l’Europe de la récession. Déjà en janvier, il avait laissé entendre que de mauvais calculs étaient à l’origine des politiques d’austérité.
Opinion divergente chez l’UEL, qui en amont du débat sur la compétitivité au Parlement, avait lancé un appel pour étouffer le modèle social luxembourgeois. L’index serait à supprimer, le salaire social minimum à réduire à peau de chagrin et les assurances sociales devraient être dégradées aux dépens des assurés. Avec sa revendication de ne plus aligner les salaires au Luxembourg sur la productivité, mais sur salaires des pays voisins, l’UEL a dénoncé unilatéralement l’accord tripartite de 2006. Dans le secteur du bâtiment, le patronat est exactement sur cette ligne et de ce fait sur le point de déclencher un grave conflit social dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la convention collective.
L’OGBL salue le fait que le Parlement luxembourgeois n’ait pas fait siennes les thèses de l’UEL et qu’il n’ait pas placé la question des salaires au centre de son analyse sur l’attractivité du site économique du Luxembourg. On est tenté de se demander pourquoi finalement, en janvier 2012, presque tous les députés ont voté la manipulation de l’index et les pertes de pouvoir d’achat jusqu’en 2014.
Les 66 000 membres de l’OGBL attendent en tout cas de leur syndicat qu’il empêche la dégradation des salaires et le démantèlement social au Luxembourg et qu’en même temps, il lutte pour une redistribution plus juste. Ils sont bien conscients que le salariat entier doit en temps de crise se montrer solidaire avec le plus important syndicat afin de réussir à parer les attaques contre les acquis sociaux. Ils exigent un OGBL, qui par le biais de négociations avec le gouvernement et le patronat, remplit cette mission.
Les membres de l’OGBL refusent tout simulacre de négociations et tout dialogue social fictif. Ils ne veulent pas d’un OGBL qui se met à la table des négociations sans pour autant avoir obtenu une réponse à la question principale: «sur quoi les négociations porteront-elles?». Le catalogue des revendications de l’UEL ne peut constituer une base de négociation!
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