Jean-Claude Reding, président de l’OGBL
Renforcer la protection sociale, maintenir le pouvoir d’achat devrait en ce moment être le principe de l’action politique au lieu d’accentuer la crise par une politique d’austérité exagérée et socialement injuste, une crise qui n’avait pas été causée par les dettes publiques mais par la spéculation, le goût du risque du monde financier, la folie de la déréglementation et l’avidité du profit. Et c’est un scandale qu’on permet maintenant à ceux qui ont été à l’origine de la crise financière de 2008 de gagner gros grâce à des intérêts excessifs encaissés sur les emprunts d’Etat.
Le mouvement syndical ainsi que des économistes critiques ont dès le début mis en garde devant une telle politique conduisant selon eux directement à une nouvelle récession, pire encore, à une dépression comme celle des années trente du siècle passé.
Au contraire, il y va de renforcer la protection sociale des citoyens, de maintenir le pouvoir d’achat des salariés et des pensionnés et de pratiquer une politique fiscale équitable, une politique fiscale qui veille à ce que les hauts revenus, les grandes fortunes et les profits non réinvestis soient soumis à une imposition supérieure à celle d’aujourd’hui.
Nous devons également prendre garde au Luxembourg à ne pas accentuer la crise par une politique d’austérité qui va dans le mauvais sens.
Voilà pourquoi l’OGBL s’oppose à des changements structurels de notre système d’indexation. Si on enlevait l’essence du panier de la ménagère du fait qu’il provoque trop de fluctuations dans l’évolution des prix et à cause des coûts engendrés par l’indexation pour les entreprises actives sur le marché national et régional il serait bientôt question de sortir aussi le mazout du panier de la ménagère et puis le gaz, l’électricité ainsi que la farine de blé ou d’autres denrées, qui elles aussi sont négociées sur les marchés internationaux et soumises aux spéculations. Ne serait-il pas nécessaire, au contraire, de lutter contre la spéculation internationale et d’influer sur les prix administrés, les prix fixés par l’Etat et les communes mais aussi par les établissements publics afin de les modérer.
L’index sert à mesurer l’évolution des prix des biens de consommation, de façon neutre et avec un résultat aussi proche que possible du comportement des consommateurs. Les prix mesurés par cet index de consommation n’ont pas grand chose à voir avec la compétitivité des entreprises exportatrices; celle-ci dépendant plus des prix des matériaux utilisés, du taux de change EUR/ USD, des taux d’intérêt exigés pour les crédits d’investissement, des loyers, des prix des infrastructures etc.
Bien sûr qu’ArcelorMittal, BGL BNP Paribas, Dupont, Goodyear, PWC, Dussmann, IEE, SES, RTL, Dexia, et demain les établissements publics libéralisés Enovos, P&T, CFL et leurs filiales, se feraient un plaisir d’augmenter leurs marges de bénéfice aux dépens de l’évolution salariale afin de pouvoir augmenter les dividendes de leurs actionnaires et les boni du management. Voilà pourquoi les leaders patronaux de premier plan, dont les revenus avec ou sans index ont augmenté au cours des dix dernières années de façon beaucoup plus spectaculaire que les salaires moyens de leurs salariés, exigent sans aucune honte de supprimer les tranches indiciaires pour les deux prochaines années et affirment de la même manière effrontée qu’ils pourraient tout au plus accepter que l’indexation du salaire minimum subsiste. Et voilà pourquoi l’OGBL n’acceptera pas une telle réglementation.
Dans la discussion sur l’index, le but des patrons n’est pas plus de justice sociale, mais la destruction d’un système qui garantit l’adaptation des revenus des salariés à l’inflation. Lorsque les syndicats revendiquent l’équité fiscale et soulignent que l’équité salariale ne peut pas être atteinte par le biais de l’index, mais seulement par une réforme fiscale approfondie, le silence s’établit dans les réunions de la tripartite. Pourquoi donc a-t-on introduit un impôt de crise pour tous au lieu d’introduire un impôt spécial sur tous les revenus supérieurs à 200 000 ou 250 000 € comme l’avait proposé l’OGBL?
Fort malheureusement devons-nous constater chez un grand nombre de politiciens – tous les partis politiques représentés au Parlement confondus à l’exception du parti de la Gauche – une entente selon laquelle il serait inévitable de dégrader structurellement le système d’indexation. L’OGBL cependant continuera à défendre notre système indiciaire. Depuis 2006, nous nous opposons aux tentatives de dégradation ou de suppression de notre système d’indexation. A ce jour nous avons réussi ce défi même si nous devions accepter des décalages. Le système a pu être maintenu et nous continuerons à le défendre. Ceci est dans l’intérêt des salariés et des pensionnés. Il est important de maintenir le pouvoir d’achat et la protection sociale des salariés et pensionnés à un niveau élevé. Ni le démantèlement social ni la perte de pouvoir d’achat ne créent ou maintiennent des emplois, ils les détruisent tout bonnement.
Le maintien du pouvoir d’achat de même que de bonnes pensions et de bonnes prestations sociales en cas de maladie, d’accident, de handicap, en cas de chômage deviennent dans la configuration actuelle une question de justice, car ce ne sont ni les salariés ni les pensionnés qui sont responsables de la crise. Pourquoi devraient-ils payer pour une crise qu’ils n’ont pas causée?
Le maintien du pouvoir d’achat revêt aussi une grande importance pour l’économie luxembourgeoise, car une régression de ce pouvoir d’achat affecterait gravement les commerçants, l’artisanat et les entreprises actives sur le marché local ou régional.
Voilà pourquoi il ne faut pas supprimer des tranches indiciaires, voilà pourquoi le panier de la ménagère ne doit pas être manipulé.
Voilà pourquoi il faut profiter de la bonne situation des finances publiques afin de protéger les citoyens le mieux possible contre les conséquences de la crise.
Voilà pourquoi il est important de défendre notre système des pensions, de sécuriser notre assurance dépendance et notre assurance maladie, de ne pas détériorer leurs prestations mais au contraire de les améliorer. Il reste du pain sur la planche tout aussi bien dans le domaine de l’assurance dépendance que dans celui de l’assurance maladie.
Voilà pourquoi il faudra aussi un changement de cap dans le domaine de la politique familiale. Les allocations familiales ne peuvent pas rester gelées au niveau de 2006 pour toujours.
Voilà pourquoi il est également nécessaire en matière de politique fiscale de faire des adaptations en faveur des salariés par exemple en augmentant les crédits d’impôt et le boni pour enfants.
Par ailleurs, des améliorations qualitatives en ce qui concerne la cogestion des salariés et de leurs syndicats sur le lieu de travail sont nécessaires. Un dialogue social de qualité est dans l’intérêt de la politique de l’emploi, de l’évolution de la productivité, du potentiel innovateur des entreprises. Le gouvernement doit donc également agir au plus vite dans ce domaine. Trop de temps a déjà été perdu. Un sujet en plus à mettre à l’ordre du jour de la Tripartite.
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