La Fondation Idea, le think tank des employeurs, a récemment laissé libre cours à sa frustration en ce qui concerne les dépenses publiques de l’État, en publiant une étude très discutable.
L’OGBL relève tout d’abord le fait que les importants investissements publics au Luxembourg que ce soit dans l’éducation et la santé, la famille et la prévoyance vieillesse demeure une épine dans le pied du patronat luxembourgeois. Et ce n’est pas nouveau. Or, le fait que cette récente étude n’évoque à aucun moment les investissements publics réalisés sous forme d’avantages fiscaux pour les entreprises au Luxembourg est tout simplement hypocrite.
La myopie de la Fondation Idea est encore plus évidente si l’on se rappelle que cette même fondation, dans de nombreuses autres études, met en avant l’importance d’attirer des «talents» au Luxembourg. En effet, l’OGBL tient à souligner que ce qui est toujours loué par les professionnels nouvellement arrivés au Grand-Duché, c’est précisément la force de notre système public dans les domaines de l’éducation, de la sécurité, des transports publics (gratuits) et surtout la solide sécurité sociale avec de bonnes pensions, un bon système de santé et des mesures de soutien aux familles. En s’en prenant de la sorte à notre système social, les patrons scient donc littéralement la branche sur laquelle ils sont assis.
Il convient également de rappeler que les employeurs contribuent eux-mêmes proportionnellement moins que les salariés au financement de notre système social, grâce à des allégements fiscaux à répétition (au nom de la compétitivité évidemment!). On assiste en effet depuis des années à une évolution extrêmement inégale de la charge fiscale. L’imposition des salaires a été multiplié par 14 depuis 1970, tandis que sur la même période, la charge fiscale des entreprises n’a été multipliée que par 7,4. Ainsi, la charge fiscale sur les salaires a augmenté de 46,6 % de plus que celle des entreprises.
Il n’est par ailleurs pas surprenant que l’étude d’Idea mette en ce moment particulièrement en avant notre système de pension, sachant que la ministre de la Santé et de la Sécurité sociale a annoncé un large débat à ce sujet pour l’automne prochain. Le camp des employeurs semble donc préparer le terrain pour son lobbying libéral en dissimulant des faits. L’évocation répétée de prévisions à long terme sur 50 ans — qui se sont d’ailleurs toujours révélées fausses par le passé — sert ici uniquement à semer la peur pour appeler à des politiques sociales régressives. Le fait de permettre aux générations futures de bénéficier d’une meilleure pension devrait toujours rester notre principal objectif.
La fondation mentionne également le faible taux de risque de pauvreté auprès des personnes de plus de 65 ans pour illustrer la générosité du système de pensions luxembourgeois. L’OGBL souligne (et s’étonne de devoir le mentionner), qu’il est justement louable de constater un si faible risque de pauvreté dans la population âgée. C’est précisément un tel niveau qu’il faut viser, plutôt que de le critiquer et de l’utiliser à des fins argumentatives visant à remettre en question notre système public. L’OGBL se demande par conséquent quel niveau de pauvreté chez les personnes âgées la Fondation Idea considère comme souhaitable?
Ce qui est tout à fait clair, lorsque les chiffres sont correctement analysés, c’est qu’il existe encore de la pauvreté chez les personnes âgées au Luxembourg et que, selon l’OGBL, elle doit être combattue de façon conséquente. Deuxièmement, c’est plus précisément l’évolution du taux de risque de pauvreté des personnes âgées qui doit être analysée en priorité. Celui-ci a en effet fortement augmenté au Luxembourg, passant de 3,9 % à 10,4 % entre 2010 et 2022. Ce qui représente donc plus qu’un doublement du risque de pauvreté chez les pensionnés. Cette progression alarmante est plus forte au Luxembourg que dans le reste de l’Union européenne.
Et surtout, cette évolution risque de s’aggraver encore davantage à l’avenir, en raison des effets de la réforme des pensions de 2012.
Il convient de rappeler que les employeurs contribuent eux-mêmes proportionnellement moins que les salariés au financement de notre système social, grâce à des allégements fiscaux à répétition.
L’OGBL rappelle dans ce contexte que la dernière réforme des pensions au Luxembourg a entraîné des détériorations substantielles, notamment dans les mécanismes de calcul des pensions, la dynamisation de celles-ci et les dispositions anti-cumul. La réforme prévoit également que l’ajustement des pensions à l’évolution des salaires soit réduit ou même supprimé si la prime de répartition pure dépasse 24 %, ce qui pourrait se produire dans les prochaines années. Il est en outre prévu de supprimer automatiquement la prime de fin d’année si le seuil de 24 % est dépassé.
Face aux défis démographiques à venir, l’OGBL plaide donc pour une réforme fondamentale et positive, visant à renforcer et pérenniser à long terme notre système public de pension. Les injustices de la réforme de 2012 doivent être corrigées et la situation des retraités qui touchent une petite pension doit être améliorée.
Ceci n’est possible qu’en augmentant la masse cotisable, mais non comme le mentionne le directeur de la Fondation Idea, c’est-à.-dire en ayant besoin de «plus d’enfants, plus de migrants et plus de frontaliers», mais en explorant de nouvelles possibilités de financement.
Dans ce contexte, l’OGBL présentera dans les semaines et mois à venir son programme pour une réforme positive des positive. Une chose est certaine, notre système de pension, basé sur un régime de répartition pure, est un pilier de notre société, fondé sur la solidarité entre les générations. Les pensions d’aujourd’hui sont financées par les salaires d’aujourd’hui, assurant ainsi la continuité du soutien aux générations futures. Cette approche garantit une sécurité sociale équitable et universelle, à l’abri des risques liés aux fluctuations des marchés financiers et protège en outre nos pensions contre l’inflation grâce à leur indexation.
L’OGBL fera tout son possible dans les mois à venir pour défendre notre système public et s’assurera que ce soit le front syndical qui frappe fort, et non le fameux mur des pensions toujours à nouveau invoqué par les employeurs.
L’article a été publié dans l’Aktuell (3/2024)
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