Si l’état de la Nation est à maints égards incertain, le discours prononcé récemment par le Premier ministre portant sur celui-ci ne l’était pas moins.
Les déséquilibres sociaux se sont amplifiés au cours des dernières années, les inégalités ont explosé. 30 000 enfants sont soumis au risque de pauvreté; vouloir y répondre par la seule simplification administrative relève d’un optimisme démesuré.
Alors que toutes les études montrent que l’efficacité des transferts sociaux s’est réduite au cours des dernières années, on cherche en vain toute référence à une amélioration quelconque au niveau des transferts sociaux dans le discours du Premier ministre.
Les annonces en matière de fiscalité (sauf celles concernant l’adaptation partielle du barème à l’inflation et la classe d’impôt 1a) risquent même d’augmenter les inégalités au Luxembourg et de faire porter encore une plus grande part de la charge fiscale sur les ménages à faible et moyen revenu.
Les déclarations au niveau du droit du travail inquiètent également et se situent dans la lignée de l’accord de coalition: assouplissement du congé de maternité, du temps partiel familial pour ceux qui peuvent se le payer, de l’organisation du temps de travail ou une nouvelle réglementation du travail du dimanche. Faut-il rappeler au Premier ministre (ainsi qu’à son ministre du Travail) que le rôle du droit du travail est de protéger le salarié dans un rapport de force déséquilibré par rapport à son patron?
Le rôle du droit du travail n’est pas de renforcer la compétitivité des entreprises. D’ailleurs, au vu de la croissance de l’emploi au cours de la dernière décennie, l’on ne peut sérieusement pas affirmer que le droit du travail actuel constituerait un obstacle au développement des entreprises.
Des politiques néolibérales et de dégradation sociale similaires, notamment au niveau des pensions, ont contribué à mener la France au bord du gouffre.
Au contraire, il y existe de nombreuses lacunes qu’il convient de combler pour mieux protéger les salariés. Aucun mot d’ailleurs sur la nécessaire et urgente augmentation du salaire social minimum en raison des recommandations européennes et du taux de working poor le plus élevé dans l’Union européenne. Ni sur la nécessaire réforme en vue d’une augmentation du taux de couverture des conventions collectives de travail, également préconisée par la même directive européenne. Finalement, un mot sur les retraites: si le Premier ministre se réjouit de l’augmentation de l’espérance de vie – d’ailleurs pas identique selon les différentes catégories socioprofessionnelles — il n’en tire pas la conclusion logique qui serait celle d’une augmentation des ressources à consacrer au vieillissement de la population. Or, rappelons que la réforme des retraites de 2012 a déjà engendré une énorme dégradation des pensions signifiant pour les jeunes d’aujourd’hui une perte de 300 000 à 400 000 euros au cours de leur carrière de retraité.
Faut-il rappeler enfin que des politiques néolibérales et de dégradation sociale similaires, notamment au niveau des pensions, ont contribué à mener la France au bord du gouffre? Les résultats des élections européennes devraient être encore suffisamment frais pour ne pas avoir été oubliés!
Nora Back, Présidente de l’OGBL
L’article a été publié dans l’Aktuell (3/2024)
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