Editorial

L’OGBL est prêt au dialogue social. Le gouvernement l’est-il également?

André Roeltgen, secrétaire général de l’OGBL

Le Premier ministre Jean-Claude Juncker s’attend à la reprise du dialogue social et au règlement des différends entre partenaires sociaux.

Et qu’en est-il du gouvernement? Qu’en est-il de sa disposition à reprendre le dialogue social? Au niveau national celui-ci a lieu entre trois partenaires et non entre deux et un arbitre autoproclamé!

Le gouvernement luxembourgeois n’avait-il pas son propre agenda politique lors des négociations tripartites en 2006, 2009, 2010 et 2011? Bien sûr qu’il l’avait. Voilà pourquoi il ne peut pas se défaire de ses responsabilités en ce qui concerne l’échec des tripartites de 2010 et 2011 et l’arrêt du dialogue social national en général.

Pendant les mois à venir nous verrons si le gouvernement parviendra enfin à créer les bases de négociation nécessaires pour atténuer le risque grandissant de conflits sociaux. Ce ne sont pas les sujets qui manquent. Il est impératif d’obtenir des résultats négociés au niveau national. Mais il n’y en aura que si le gouvernement adopte une distance critique par rapport aux recettes de sortie de crise basées sur l’austérité et le démantèlement social.

Le dialogue social ne pourra pas fonctionner si les recommandations anti salariales que la Commission de Bruxelles adresse dans le cadre dudit semestre européen au Luxembourg doivent servir de point de départ aux discussions. Il n’aboutira pas non plus si le gouvernement se base sur les revendications de l’OCDE (*). Les thèses économiques de ce think tank néolibéral tournées exclusivement vers l’offre ont contribué à la dérégulation de l’économie et au démantèlement de l’Etat-providence, une politique qui nous a conduit tout droit à la crise actuelle.

Le dernier rapport économique 2012 de l’OCDE pour le Luxembourg indique au gouvernement comment démanteler le modèle social luxembourgeois et comment accélérer par le biais de soi-disant „réformes structurelles“ la redistribution du bas vers le haut.

Le système de l’indexation automatique devrait être supprimé «à terme» et remplacé par «une coordination salariale». Le salaire minimum ne serait plus adapté à l’évolution générale des salaires et traitements mais devrait évoluer moins rapidement que le salaire moyen.

En d’autres termes: le modèle luxembourgeois de détermination des salaires dans son ensemble, c’est-à-dire l’interaction harmonisée entre l’indexation, le salaire minimum et les contrats de travail collectifs dans les entreprises, devrait être supprimé. Comme si ce modèle n’avait pas pendant de longues années garanti la paix sociale! Comme si ce n’était justement pas ce modèle – contrairement aux affirmations de l’OCDE – qui répond le mieux à l’évolution équilibrée des salaires par rapport à la productivité telle que prévue dans l’accord tripartite de 2006!
Le véritable but de l’OCDE est tout autre: les salaires devraient évoluer moins rapidement que la productivité économique. Non seulement la répartition entre capital et travail devrait évoluer en défaveur du salariat, mais l’écart salarial devrait s’élargir également. Les bénéficiaires du salaire minimum et les faibles revenus seraient doublement touchés. Le salariat dans son ensemble serait saigné, notamment la partie qui se situe en bas de l’échelle des salaires.

Qui cherche trouvera dans les revendications de l’OCDE relatives à l’indexation et au salaire minimum un point positif: elle rend ridicule toute discussion sur le dit „index social“ ou „index plafonné“ et la dévoile enfin comme man?uvre populiste astucieuse, qui définitivement n’a pas comme but plus d’équité salariale et l’amélioration des faibles revenus, mais qui tend exclusivement à opposer les différentes couches salariales et à les empêcher ainsi de s’unir et de lutter ensemble, avec l’OGBL, contre les attaques sur l’indexation et le salaire minimum, sur les salaires en général.

L’OGBL demande avec insistance que le gouvernement prenne également ses distances par rapport à ces „conseils“ relatifs au chômage. Ce ne sont pas les chômeurs qui sont responsables de leur chômage. Quand le chômage atteint un nouveau record au Luxembourg avec 15.600 personnes et dans la zone euro avec 19 millions de personnes, alors la responsabilité en incombe à tous ceux qui ont causé cette crise économique et financière capitaliste. Et ce n’est ni le jeune qui, après ses études, arrive sur le marché de l’emploi, ni le salarié âgé, poussé vers la sortie de la vie active qui ont à porter la responsabilité de cette crise!

L’OCDE recommande au gouvernement de diminuer l’indemnité de chômage, de dégrader les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage, de réduire le RMG, d’affaiblir le droit du travail en cas de licenciements collectifs, de diminuer les délais de préavis et d’augmenter le temps d’essai dans les contrats de travail. L’OGBL somme le gouvernement d’opposer un refus clair aux propositions de l’OCDE et de faire exactement le contraire, en renforçant le droit du travail pour mieux protéger le salariat en cas de chômage et de perte d’emploi.