Statut du travailleur handicapé

Une réforme fondamentale s’impose!

Cela fait désormais plus de 10 ans que le département des Travailleurs handicapés (DTH) de l’OGBL réclame une réforme fondamentale du statut du travailleur handicapé. En 2016, à l’occasion la Journée internationale des personnes handicapées, le ministre du Travail de l’époque avait pourtant promis qu’il s’attellerait à une telle réforme. Les années ont passé, la loi du 12 septembre 2003 relative aux personnes handicapées (qui encadre le statut du travailleur handicapé), elle, n’a hélas toujours pas été sérieusement révisée.

Quelques améliorations ponctuelles au cours des dernières années

Certaines revendications ponctuelles du DTH ont certes été reprises entre-temps, du moins partiellement, mais on est encore loin du compte!

Parmi les améliorations apportées au cours des dernières années, le DTH salue notamment le fait d’avoir été entendu en ce qui concerne le Revenu pour personnes gravement handicapées (RPGH). Depuis environ deux ans, les bénéficiaires n’ont en effet plus à rembourser les montants perçus s’ils reviennent « à meilleure fortune » comme on dit. Ce mécanisme scandaleux de restitution des sommes perçus — pourtant contraire au statut du travailleur handicapé — et qui prévaut toujours dans le cadre du REVIS, ne figurait pas initialement dans la loi. Il avait été introduit plus tard, en 2011, après la crise financière, dans le cadre des mesures d’austérité du gouvernement de l’époque.

Autre point de satisfaction du DTH survenu au cours des dernières années: la levée des barrières en ce qui concerne le « coup de pouce » de l’Etat pour faciliter l’entrée des travailleurs handicapés sur le 1er marché de l’emploi. Le « coup de pouce », c’est l’aide publique dont bénéficient les entreprises qui embauchent un travailleur handicapé. Initialement, cette aide n’était pas versée automatiquement aux entreprises qui engageaient un salarié en situation de handicap. En effet, une commission d’évaluation au sein de l’ADEM appréciait chaque dossier et accordait ou non cette aide en fonction du « manque à gagner » supposé pour l’entreprise, suivant en cela le handicap et la tâche à prester par le salarié handicapé. Si cette procédure pouvait en soi se justifier (pourquoi une entreprise toucherait-elle une aide pour un salarié handicapé qu’elle emploie mais dont le handicap n’handicape pourtant en rien son activité?), concrètement elle décourageait pourtant nombre d’entreprises à même songer à engager un travailleur handicapé. Désormais, chaque entreprise embauchant une personne ayant le statut de travailleur handicapé perçoit automatiquement une aide de l’Etat équivalente à 40% de son salaire.

L’assistance à l’inclusion professionnelle n’est que l’ombre du Jobcoaching promu par le DTH

On peut encore citer une petite amélioration mise en œuvre au cours des dernières années, même si elle est encore loin de satisfaire totalement le DTH. Il s’agit de l’introduction, en 2019, d’une mesure d’assistance à l’inclusion professionnelle. De quoi s’agit-il? Pour commencer, il faut être conscient que les contraintes auxquelles un travailleur handicapé doit faire face peuvent évoluer dans le temps, soit en raison d’une éventuelle maladie évolutive dont il souffre, soit tout simplement en raison de son vieillissement. C’est là qu’intervient l’assistant à l’inclusion introduit en 2019. Sa mission: 1) évaluer la situation de travail et les besoins spécifiques du salarié handicapé, 2) identifier les besoins de l’employeur et du personnel de l’entreprise, 3) établir un projet individualisé d’inclusion comprenant en général un réaménagement du lieu de travail en vue d’une inclusion durable du salarié handicapé.

Il s’agit là assurément d’un premier pas dans la bonne direction, mais qui reste largement insuffisant. Tout d’abord, en l’état, les démarches à effectuer pour pouvoir bénéficier d’un tel assistant à l’inclusion s’avèrent relativement lourdes.

Ensuite, le nombre d’heures d’assistance à l’inclusion dont peut bénéficier un travailleur handicapé au cours de toute sa carrière sont strictement limitées et la plupart du temps insuffisantes.
Par ailleurs, le dispositif de l’assistance à l’inclusion ne concrétise en réalité qu’un aspect d’un concept plus large développé et revendiqué par le DTH depuis 2010 déjà, sous le nom de « Jobcoaching ». A côté du versant « assistance du salarié handicapé déjà employé dans une entreprise », le Jobcoaching proposé par le DTH prévoit également, en amont, un volet visant à préparer les travailleurs handicapés à pouvoir occuper plus tard un emploi sur le 1er marché de l’emploi et un autre volet d’accompagnement des travailleurs handicapés dans leur recherche d’emploi. Ces deux dimensions font aujourd’hui cruellement défaut.

Les chantiers prioritaires pour une meilleure inclusion sur le marché de l’emploi

Autre grand manquement dans la loi actuellement: il n’existe pas de statut d’apprenti handicapé. Le DTH revendique avec force l’introduction d’un tel statut à l’instar du statut de salarié handicapé et des possibilités qu’il offre (mise à disposition par l’Etat d’équipements spécifiques adaptés). La création d’un tel statut contribuerait fortement à l’inclusion, en permettant plus facilement à de jeunes travailleurs handicapés d’accéder au 1er marché de l’emploi. Actuellement, les jeunes qui présentent un handicap et qui aspirent faire un apprentissage sont condamnés à dénicher une belle âme employeuse disposée non seulement à les accueillir dans son entreprise, mais en plus à leur financer elle-même le matériel requis.

Parmi les points à réformer dans la loi actuelle, figure pour le DTH aussi prioritairement le système de contrôle du respect des quotas de salariés handicapés par entreprise, tels que le prévoit la loi. En principe, les entreprises sont en effet tenues par la loi d’embaucher un certain nombre de salariés handicapés. Ainsi, les établissements publics (Etat, communes, chemins de fer…) doivent employer à temps plein 5% de salariés handicapés par rapport à leur effectif total. Quant aux entreprises privées, elles sont tenues d’occuper au moins un salarié handicapé à temps plein à partir de 25 salariés, 2% de leur effectif total à partir de 50 salariés et 4% à partir de 300 salariés. Or, dans la réalité, force est de constater que ces quotas ne sont ni respectés ni même contrôlés. L’Etat n’est aujourd’hui même pas capable d’indiquer le nombre de travailleurs handicapés qu’il occupe lui-même. C’est dire! Pour le DTH, le gouvernement pourrait s’inspirer ici du modèle français dans lequel une entreprise qui se dérobe à son obligation en termes de quotas se voit contrainte, soit de sous-traiter une partie de son activité à un atelier protégé, soit de contribuer financièrement à un fonds dédié à l’inclusion dans le travail des salariés handicapés.

Enfin, le DTH revendique également depuis quelques années une reconnaissance transfrontalière des différents statuts de travailleurs handicapés, du moins à l’intérieur de la Grande Région. Pour le DTH, il n’est pas acceptable qu’une personne reconnue travailleur handicapé en Belgique, en France ou en Allemagne et qui vient travailler au Luxembourg, ne se voit pas reconnaitre son statut de travailleur handicapé et doive à nouveau parcourir laborieusement toute la procédure au Luxembourg pour être enfin reconnu travailleur handicapé. Il va sans dire, pour le DTH, que cette reconnaissance devrait également être réciproque entre les différents pays.

L’article a été publié dans l’Aktuell (1/2025)